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Loi et vie
Bulletin n° 128, année 2025
Sommaire
Éditorial
Dom Bernard Lorent Tayart, osb,
Président de l’AIM
Perspectives
• La mise à jour des Constitutions
P. Aitor Jimenez
• La révision des textes juridiques de la congrégation Subiaco-Mont-Cassin
Dom Étienne Ricaud, osb
• La CIB
Sœur Lynn McKenzy, osb
• La Fédération N.-D. de la Rencontre
Sœur Marie-Benoît Kaboré, osb
• Statut sur l’accompagnement des communautés fragiles et sur la suppression d’un monastère
Texte officiel OCSO
• Questions pour deux nouveaux présidents de congrégations
Dom Bernard Lorent Tayart, osb
Témoignages
Trouver la communion dans le changement
F. J.-B. Donleavy et P. J. George, osb
Réflexions
Réflexions sur la présence/absence des moines à la vie de l’Église aujourd’hui
P. Manuel Nin i Güell, osb, Exarque
Une page d’histoire
Le concile de Nicée
M. Jérôme de Leusse
Grandes figures de la vie monastique
Dom Kevin O’Farrell
Dom David Tomlins, ocso
Nouvelles
• Le millénaire de Montserrat
P. Bernat Julio, osb
• Jubilé d’or de l’ISBF
Dom James Mylackal, osb
• Jubilé d’argent du monastère de Teok
P. Sibi Joseph Vattapara, osb
• Dom Javier Suárez
Information de Sankt-Ottilien
• La commission sur la Chine
Dom Bernard Lorent Tayart, osb
Éditorial
Ce nouveau numéro du Bulletin de l’AIM donne un écho de l’évolution permanente de la vie monastique dans le monde. La vitalité des moines et des moniales s’accompagne d’une régulation pour le bien commun, c’est pourquoi ce numéro s’intitule « Loi et vie », la vie comme on le sait, précédant toujours le droit.
Un aspect nouveau aujourd’hui est celui de l’évolution de la solidarité entre les monastères. Sous l’impulsion de Cor orans (pour ce qui est des moniales) apparaissent de nouvelles fédérations ou de nouvelles congrégations avec la prise en compte des communautés isolées ou fragiles et l’engagement dans de nouvelles initiatives. Cela se traduit aussi dans le droit par l’adaptation des Constitutions, comme on le voit, à titre d’exemple, pour la congrégation de Subiaco-Montecassino.
On donne ici aussi la parole à deux présidents de congrégations récemment élus (Sankt-Ottilien et Subiaco-Montecassino).
Deux témoignages abordent la question de la place de la vie monastique dans l’Église, quelque fois trop « manquante » et toujours en nécessité de renouveau.
Comment ne pas donner aussi un écho dans ce Bulletin du jubilé du concile de Nicée qui a tellement marqué l’émergence et l’engagement de la vie monastique dans un 4e siècle foisonnant.
L’évocation d’une grande figure de la vie monastique est toujours un stimulant : celle de dom Kevin O’Farrell, premier abbé de la Trappe de Tarrawara (Australie), en est une illustration.
On trouvera enfin dans ce numéro des nouvelles venues de tous les continents.
À titre personnel, deux voyages récents me permettent de mettre en évidence la vie monastique et l’éducation de la jeunesse.
Le premier était à Nairobi au Kenya pour la préparation du 2e congrès africain sur l’éducation catholique qui se tiendra en novembre 2025. Une belle occasion pour rencontrer les autorités académiques des trois institutions universitaires catholiques : l’Université des conférences épiscopales d’Afrique de l’Est, l’Institut des jésuites et l’Université Tangaza tenue par un consortium de 22 congrégations religieuses. Les bénédictins y sont bien représentés par le P. Edward Etangu, responsable de la maison d’études de Sankt-Ottilien et chancelier de l’Université Tangaza. Une visite à la communauté des sœurs de Tutzing et à Mère Prieure Rosa Pascal s’imposait. Une communauté bien sympathique d’une vingtaine de sœurs qui tiennent une école très réputée de Nairobi.
Le second voyage était à Bengalore, en Inde, au monastère d’Asirvanam où se tenait le 50e anniversaire des rencontres des supérieur/es d’Inde et du Sri Lanka. Les moines d’Asirvanam sont responsables d’une très importante institution d’éducation qui compte plusieurs milliers d’étudiants, des maternelles à l’université.
Saint Benoît compare le monastère à une école du Seigneur. Beaucoup de nos communautés incarnent cette image en se dédiant à l’éducation et à l’enseignement. On peut réaliser de belles choses mais il faut aussi faire en sorte que nos écoles soient des sanctuaires où les jeunes sont en sécurité car le danger des abus peut venir du dehors mais aussi du dedans. Le « safeguarding » doit être une préoccupation majeure de la part de chacun et de chacune et il est bon que les écoles bénédictines, mais aussi tous nos lieux d’accueil, soient à la pointe dans cette lutte contre les abus.
Le pape François est retourné au Père après 12 ans d’un pontificat fécond, marquant l’Église de son empreinte par la miséricorde, la synodalité, l’écologie et le dialogue interreligieux. Son successeur, le pape Léon XIV, s’est d’abord exprimé par les mots du Christ ressuscité lui-même : « La paix soit avec vous. » Beaucoup de régions du monde sont en guerre et on y trouve nos communautés monastiques en premières lignes, auprès des populations éprouvées. Cette parole du Christ, prononcée par notre nouveau Pape, a dû les réconforter dans leur effort permanent d’être des artisans de paix, d’accueil et de prière. Renouvelons notre communion entre nos communautés et avec notre nouveau Pape.
Dom Bernard Lorent Tayart,
Président de l'AIM
Articles
La mise à jour des Constitutions dans les congrégations religieuses
1
Perspectives
Père Aitor Jimenez Echave
Sous-secrétaire du Dicastère pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique
La mise à jour des Constitutions
dans les congrégations religieuses
Résumé du discours du père Aitor Jimenez Echave au Chapitre général de la congrégation Subiaco-Montecassino (septembre 2025).
– Tout processus de modification et d’« aggiornamento » des Constitutions est motivé par les modifications de la vie humaine, de la personne, de la société et aussi de l’Église. Un processus de révision naît toujours d’un regard qui se veut réaliste sur le vécu de la vie, et naît aussi de la nécessité d’adaptation pour répondre aux défis et aux requêtes de l’Église et de la société, et aussi pour éliminer tout ce qui serait un obstacle à l’accueil de l’Évangile.
– La nécessité impose un changement pour ne pas demeurer anachronique. Cela est d’autant plus vrai si l’on considère que le monde vit un changement rapide et que l’on ne peut pas alors surseoir à des modifications et à un « aggiornamento ».
– Il est aussi nécessaire d’avoir toujours comme point de référence le contexte ecclésial et social dans lequel vit une communauté ou une congrégation, afin d’éviter l’erreur de réaliser une réforme étrangère au contexte et à la réalité ambiante.
– Le corpus législatif d’une famille religieuse peut être considéré comme l’expression humaine de l’alliance entre Dieu et son peuple. D’où il ressort qu’aucune loi ou norme ne peut être comprise uniquement au sens littéral, mais comme la forme compréhensible de la langue que Dieu parle à son peuple. C’est ainsi que l’on peut dépasser la dichotomie entre la loi et la pastorale, entre la loi et la vie.
– Il y a diverses manières de se positionner en face d’une norme : au sens négatif, on peut l’entendre comme un élément simplement décoratif, ou bien comme une arme à brandir, à l’occasion, pour se défendre ou obtenir quelque chose qui n’est pas concédé.
– Tout immobilisme doit être évité ; il est, au contraire, nécessaire d’être prêt au changement qui aidera à démasquer les incohérences de la vie religieuse, sans avoir peur des nouveautés et du dialogue avec la réalité et le contexte culturel et ecclésial. Est donc requise une attitude de transparence pour se livrer en toute vérité à Dieu et aux hommes, dans la consécration religieuse.
– Les Constitutions peuvent être comprises comme un pèlerinage, un chemin de vie : elles doivent donc construire et non pas scléroser, afin de rendre la vie crédible. Elles servent à « constituer », donc à dire notre appartenance à une famille religieuse, et à éviter de tomber dans le libertinage et l’anarchie. Elles indiquent donc un chemin, dessinent une trajectoire que tous sont appelés à suivre, chacun à son rythme propre, mais tous avec le même but.
– La mise à jour des Constitutions pourrait représenter une mode passagère, surtout à notre époque. D’autre part, elle pourrait aussi être un piège pour les religieux, chaque fois qu’ils « vivent au rabais », en relâchant la tension spirituelle et charismatique de l’institut et aussi la radicalité de la sequela Christi, s’adaptant ainsi aux us et coutumes du monde.
– Pour renforcer précisément la tension spirituelle, la référence à la règle de saint Benoît et au Magistère de l’Église, y compris celui antérieur à Vatican II, reste fondamentale et indispensable, afin de garantir la continuité historique et charismatique entre un passé même lointain et le présent. Cela contribue à mettre toujours plus en évidence la catégorie théologique du « peuple de Dieu » et à éviter ainsi la détérioration d’une vie communautaire toujours plus individualiste, sans brader le charisme et mourir d’inanition.
– Le décret conciliaire Unitatis redintegratio déclare que le renouveau de l’Église consiste dans la fidélité croissante à la vocation. C’est pourquoi il importe d’éliminer tout ce qui s’oppose au renouveau et à établir des normes qui favorisent la fidélité au charisme. En cela, les monastères se trouvent en contradiction avec la société qui vit, de façon toujours plus faible, ce concept de fidélité.
– La déstructuration de la vie consacrée est aussi un sujet important, parallèlement à tant de tentatives de déstructuration actuellement en cours dans la société. Cette tendance qui progresse aussi dans l’Église suscite présentement la préoccupation, car il se peut que l’on perde ainsi de vue quel type de consécration l’on peut réaliser, transmettre et offrir. C’est pourquoi toute mise à jour doit aller aux fondements des structures monastiques et offrir une alternative crédible à tout ce que la réalité sociale prêche aujourd’hui.
– Les paroles du bienheureux cardinal Pironio sur les changements législatifs demeurent toujours pleines de sens : ces changements doivent toujours faire référence à l’inspiration originelle sur laquelle est basée la vie religieuse. Il faut donc souligner l’exigence fondamentale de la fidélité et le sens de l’appartenance qui sont à la base de la façon de vivre et de l’engagement de chacun, et auxquels doivent être sacrifiées aussi les commodités et les aspirations personnelles.
– On peut retenir, du décret conciliaire Perfectae caritatis (2-4) trois points particulièrement significatifs :
• La meilleure forme d’actualisation ne pourra pas être une réussite si elle n’est pas animée par un renouveau spirituel.
• Le renouveau et l’adaptation ne sont jamais réalisés une fois pour toutes, mais il faut vivre dans une attitude constante d’actualisation.
• Le renouveau consiste plus dans une observance plus grande de la Règle et des Constitutions que dans la multiplication des lois.
La révision des textes juridiques de la congrégation bénédictine de Subiaco-Mont-Cassin
2
Perspectives
Dom Étienne Ricaud, osb
Procureur de la congrégation Subiaco-Mt.-Cassin
La révision des textes juridiques
de la congrégation bénédictine
de Subiaco-Mont-Cassin
Le 21e chapitre général de la congrégation bénédictine de Subiaco-Mont-Cassin[1], célébré à Montserrat du 30 août au 8 septembre 2024, a consacré la majeure partie de son temps à discuter et voter un bon nombre de modifications à sa législation. Pourquoi un tel travail ?

1. Nature et rôle des Constitutions d’un institut religieux
Les Constitutions d’un institut décrivent son charisme, c’est-à-dire sa vocation propre (cf. Code de droit canonique, can. 578), et lui donnent sa traduction juridique, afin de réguler la vie de ses membres et leur fournir des normes de référence pour tous les aspects de leur vie religieuse : elles précisent ses structures essentielles, son mode de gouvernement, sa discipline, la formation de ses membres, etc. En harmonie avec le Droit général de l’Église, auquel elles ne peuvent déroger, elles le complètent et le précisent.
Ces textes législatifs cherchent à éviter deux excès opposés : une rédaction trop spirituelle, avec de pieuses considérations, ou au contraire un texte d’une pure technicité juridique. Ils tendent à s’exprimer de façon concise et claire, la plus précise possible, afin d’éviter le flou et l’ambiguïté.
2. Pourquoi retravailler nos Constitutions ?
Les Constitutions d’un institut religieux ne sont pas figées et peuvent évoluer, afin à la fois de préserver le charisme originel et de l’adapter aux conditions présentes. En effet, celles-ci changent, l’institut évolue, la législation canonique de l’Église se modifie (depuis le début de son pontificat, le pape François y a introduit beaucoup de changements), certaines dispositions deviennent obsolètes, de nouveaux problèmes apparaissent : il devient alors nécessaire de reformuler les règles ou d’en créer de nouvelles.
Le Chapitre général de l’institut est l’instance habilitée à faire ce travail, même si les textes votés doivent ensuite être soumis à l’approbation du Saint-Siège : il ne s’agit pas là d’un simple contrôle technique, mais d’une démarche de communion par laquelle l’Église authentifie l’identité de l’institut, sa traduction juridique et sa conformité avec le droit universel.
Cependant, en amont de notre Chapitre général, tout une préparation a été réalisée par la Commission juridique de la Congrégation, et les monastères n’ont pas manqué d’être consultés sur les modifications proposées : il est normal que ce qui devra être appliqué par tous soit au préalable soumis à la réflexion de tous. Alors, pour ceux qui participent à un tel travail, c’est un moment privilégié d’appropriation du charisme et des structures de l’institut.
3. Brève histoire de cette révision
Cette révision n’est certes pas la première ; elle s’inscrit dans la suite de celles qui ont jalonné l’histoire de notre Congrégation. Notons seulement ici ses grandes étapes, depuis ses premières Constitutions rédigées en 1867 et approuvées par le Saint-Siège en 1872, mais qui, dès 1880, furent entièrement rénovées pour les rendre plus conformes à la tradition bénédictine et aux exigences de l’heure. Ces Constitutions, accompagnées des Déclarations sur la Règle restèrent en vigueur pour l’essentiel jusqu’en 1959[2]. Le Concile Vatican II provoqua la remise en chantier de ce corpus législatif, et en 1967 était approuvé un nouveau texte, confirmant notamment la division tripartite des Constitutions approuvées en 1959, partant non du sommet (comme les Constitutions de 1880), mais de la base : les monastères (titre I), puis la Province (titre II) et enfin la Congrégation (titre III), ce qui correspond mieux au charisme bénédictin. Alors que cette nouvelle mouture semblait avoir acquis son expression stable, il fallut la réviser dès 1980 pour se conformer au Motu Proprio Ecclesiae Sanctae demandant aux instituts religieux de distinguer dans leur législation entre un codex fundamentalis, rassemblant les principes doctrinaux et les normes juridiques les plus stables, et des codices additicii contenant des normes secondaires et adaptables. Puis ces textes durent encore être retouchés pour se conformer au nouveau Code de droit canonique promulgué en 1983, ce qui fut fait au Chapitre général de 1988. Enfin, au gré des Chapitres généraux célébrés depuis lors, des corrections mineures furent apportées en 1996, 2008 et 2012.
La révision approuvée par le 21e Chapitre général est à la fois modeste, car elle ne modifie pas l’architecture de notre législation, mais plus ambitieuse qu’un simple toilettage du texte, car elle l’amende et le complète sur des points importants, et modifie pas moins d’une centaine de numéros sur les deux cent quarante-deux que totalisent Constitutions et OCG.
Selon les distinctions requises par le Saint-Siège en 1980, notre corpus législatif s’articule entre les Constitutions, texte fondamental relevant d’une certaine stabilité, et des codes secondaires, textes d’application précisant et développant les normes essentielles figurant dans les Constitutions : il s’agit des Ordonnances des Chapitres généraux (OCG) et provinciaux (OCP). Il faut y ajouter la Ratio formationis et la Ratio studiorum, textes qui tracent pour chaque Province le programme de la formation et des études des jeunes frères, ainsi que les Coutumiers de chaque monastère.
Cet ensemble, en amont duquel, bien sûr, se trouve la règle de saint Benoît, forme une architecture complexe à plusieurs étages ; quand on le retouche, il faut veiller constamment à la cohérence entre ces strates juridiques, afin qu’aucune ne contredise ou ne soit contredite par une autre, et à la conformité de l’ensemble avec le Droit général de l’Église. Dans notre travail de révision, nous avons dû exercer constamment cette vigilance, portant parfois sur des détails n’apparaissant pas à première lecture. Et dans l’usage quotidien, supérieurs et religieux doivent être attentifs à agir conformément au droit, en tenant compte du Code de droit canonique, des Constitutions et des codes secondaires.
4. Programme de cette révision
Les modifications proposées et adoptées furent regroupées de façon thématique en cinq parties.
A/ Ajustements divers
Dès 2011, avaient été repérées dans nos textes des erreurs et des lacunes, des divergences entre certaines traductions en langue vernaculaire et le texte original latin (avec des ajouts non approuvées), des références incomplètes. Tout cela a été corrigé. Par souci de cohérence, ont été opérés des déplacements de numéros à l’intérieur des Constitutions ou des OCG, ou bien des Constitutions vers les OCG et vice versa, afin de mieux distinguer les dispositions plus stables des normes secondaires et adaptables.
B/ Votes des Chapitres et Conseils
Les normes régulant la manière de délibérer à l’intérieur d’un Conseil ou d’un Chapitre ont été précisées. Il faut en effet bien distinguer entre votes collégiaux, où c’est le groupe lui-même qui décide – par exemple lors d’une élection –, le supérieur n’étant alors qu’un votant parmi les autres, et votes délibératifs ou consultatifs, où le groupe ne fait que donner au supérieur un consentement ou un avis, afin qu’il puisse ou non décider et agir ; celui-ci, alors, ne participe pas au vote, car il ne peut être son propre conseiller. Il fallait aussi préciser le mode de calcul de la majorité des suffrages. Sur ces points régnait en effet un certain flou dans la pratique de nos communautés : elles ne saisissaient pas toujours la différence entre vote collégial, vote délibératif et vote consultatif, et les supérieurs ne savaient pas toujours si et quand ils devaient voter avec leur Conseil ou leur Chapitre. Les modifications adoptées clarifient tout cela. Du bon usage de ces pratiques de délibération dépend une bonne gouvernance, évitant à la fois les abus de pouvoir et une molle démocratie.
C/ Critères et processus de réduction et de suppression d’un monastère
Notre législation a été originellement conçue dans la perspective de la croissance des maisons, depuis leur fondation jusqu’à leur autonomie ; de nos jours, surtout en Europe, il faut prendre acte que le mouvement s’est inversé et qu’il faut souvent accompagner la décroissance des maisons et disposer pour cela de procédures adaptées. Certes, celles-ci existaient déjà, mais l’expérience récente a montré qu’elles étaient insuffisantes et requéraient plus de précisions. Les modifications apportées dotent notre Congrégation de meilleurs outils juridiques pour accompagner les maisons affaiblies. La procédure prévue se déploie en trois étapes : énumération des critères permettant de discerner qu’une maison n’est plus en état de garder son autonomie, processus visant à son raffermissement, d’abord avec l’aide du supérieur d’une maison plus solide, ensuite, si les moyens utilisés n’y parviennent pas, réduction de cette maison en maison affiliée à la maison plus forte. Enfin, dans le cas où ce remède n’a pas agi, processus de suppression de la maison dans le respect des personnes et des biens.
D/ Gouvernement de l’Abbé Président et de ses Conseils
Cette question revient régulièrement dans notre Congrégation, car l’équilibre entre l’autonomie des monastères et le gouvernement central est toujours à doser avec délicatesse, de telle sorte que « la Congrégation, en s’appuyant sur les principes du pluralisme et de la subsidiarité, apporte son aide aux monastères eux-mêmes en leur procurant des instruments juridiques et des secours fraternels, par les instances des Provinces, dirigées par le Chapitre provincial et par le Visiteur avec ses Conseils et, d’autre part, par le gouvernement général exercé par le Chapitre général et par l’Abbé Président avec ses Conseils » (Constitutions, n° 4). Or, il apparaît que, lorsque des monastères ou des provinces sont en état de faiblesse, ils ont davantage besoin des services du gouvernement central. Aussi, les modifications adoptées dotent l’Abbé Président de meilleurs moyens pour remplir sa mission ; celle-ci consiste non seulement à confirmer, soutenir et stimuler dans leur vie monastique provinces et monastères, favoriser leur unité et entretenir le lien avec le Saint-Siège, mais aussi à régler des problèmes délicats qui remontent au gouvernement central, voire relèvent du Saint-Siège. Et ceux-ci ne manquent pas !
E/ Supérieurs majeurs non-clercs
La récente dérogation accordée par le pape François aux instituts cléricaux de droit pontifical de pouvoir se doter de supérieurs majeurs non-clercs[3] a été examinée par le Chapitre général, car, selon l’interprétation officielle qu’en a donné le Dicastère pour l’interprétation des textes législatifs, c’est aux instituts dans leur ensemble, et non aux personnes en particulier, de décider s’ils souhaitent ou non s’en prévaloir. C’est pourquoi le P. Abbé Président dom Guillermo Arboleda a-t-il d’abord émis le 9 novembre 2023 un décret à ce sujet, valable jusqu’à ce Chapitre ; et ce dernier l’a confirmé et en a inscrit les dispositions dans nos Constitutions. Selon celles-ci, notre Congrégation peut recourir à cette dérogation uniquement pour les supérieurs majeurs des monastères sui iuris, mais non pour les Visiteurs ni pour l’Abbé Président. Rappelons qu’un supérieur majeur non-clerc n’est pas Ordinaire au sens du canon 134 § 1 du Code de droit canonique ; par conséquent, les actes d’un supérieur majeur requérant le pouvoir ordinaire de juridiction, lequel découle du sacrement de l’Ordre (cf. can. 129 § 1 ; 274 § 1), doivent être accomplis par un autre que lui, doté de ce pouvoir ordinaire, qu’il appartient à chaque institut de prévoir et désigner. Les dispositions adoptées par le Chapitre général déterminent que ce sera alors le Visiteur pour les monastères de sa province, et l’Abbé Président pour les monastères hors province ; c’est pourquoi le Chapitre a conservé la disposition selon laquelle l’un et l’autre doivent être prêtres (cf. Constitutions n° 120 ; 138), jouissant de ce fait du pouvoir ordinaire de gouvernement.
Ce labeur canonique quelque peu austère a pu être mené à bien par le Chapitre avec souplesse et sans tension, et les propositions faites ont été toutes adoptées en peu de temps à la majorité requise. La phase préparatoire, longue et soignée, a permis d’aboutir à ce résultat.
[1] Le père Josep Enric Parellada en a publié un compte rendu dans le no 127 (2024) du Bulletin de l’AIM, p. 94-96.
[2] Voir Giuseppe TAMBURRINO, OSB, Lex militiæ nostræ. La legislazione sublacense nella sua evoluzione. Abbazia di Praglia/Congregazione Benedettina Sublacense, 2009.
[3] Rescrit du 18 mai 2025, no 3.
Communio Internationalis Benedictinarum
3
Perspectives
Sœur Lynn McKenzie, osb (Cullman, USA)
Modératrice de la CIB
Communio Internationalis Benedictinarum
Évolutions envisagées
La Communio Internationalis Benedictinarum (CIB) est l’organisation internationale des femmes bénédictines fondée il y a environ 40/50 ans, à l’invitation de l’Abbé primat de la Confédération mondiale des moines bénédictins. La CIB se réunit chaque année. Actuellement, les réunions de la CIB comprennent une déléguée et une suppléante de chacune des 19 régions du monde que la CIB a établies il y a environ 30 ans. En outre, la CIB est dirigée par une modératrice (actuellement Lynn McKenzie, osb, Sacred Heart Monastery, Cullman, Alabama, USA), une modératrice adjointe (actuellement Franziska Lukas, OSB, St. Scholastika Abbey, Dinklage, Allemagne) et quatre autres membres du conseil (actuellement Cecile Lañas, Philippines, Maria del Mar Albajar i Viñas, Espagne, Anna Brennan, Royaume-Uni, et Hilda Scott, Australie), ainsi qu’une secrétaire exécutive (Mary Luke Jones, USA).
Depuis 2021, durant la pandémie, la Conférence des déléguées de la CIB s’est réunie virtuellement et a discuté d’un changement possible de la structure de la CIB. Jusqu’à présent, la CIB était un organisme « associé » au sein de la Confédération bénédictine. Lors de notre réunion de septembre 2023, qui s’est tenue dans mon monastère d’origine à Cullman (Alabama, USA), nous avons poursuivi la discussion, menée par la Commission d’étude juridique de la CIB. Cette Commission est présidée par sœur Scholastika Häring (Allemagne) et les autres membres sont sœur Nancy Bauer (USA), sœur Patricia Henry (Mexique) et sœur Noemi Scarpa (Italie). Nous sommes reconnaissantes pour le travail qu’elles ont accompli ces dernières années en étudiant nos documents actuels et en imaginant une autre façon d’être la CIB.
Une proposition de changement actuellement à l’étude consiste à imaginer deux branches égales de l’ordre bénédictin – celle des femmes dans la CIB et celle des hommes dans la Confédération. La CIB serait dirigée par une Modératrice qui, bien que n’ayant aucune compétence technique, aurait des responsabilités à plein temps pour établir des liens avec les bénédictines du monde entier et assurer la liaison entre les bénédictines et l’Abbé primat et la Confédération, ainsi qu’avec le Dicastère du Vatican pour les instituts de vie consacrée. Il s’agirait d’une structure parallèle à la Confédération.
L’organe de décision de la CIB (actuellement appelé Conférence des déléguées de la CIB) aurait une nouvelle structure qui ne serait plus basée sur les régions géographiques mais plutôt sur les congrégations et les fédérations, dont beaucoup se sont formées depuis l’époque de Cor orans, le document du Vatican qui exige, entre autres choses, que les monastères féminins de moniales fassent partie soit d’une congrégation monastique, soit d’une fédération. Les responsables de ces congrégations et fédérations, telles que les présidentes et les prieures générales, seraient les membres d’un tel organe de décision de la CIB. Pour les congrégations mixtes d’hommes et de femmes, la congrégation devra déterminer qui sera le représentant de la CIB parmi les femmes de la congrégation mixte.

Il s’agit là des éléments de base d’une CIB restructurée, de nombreux détails pratiques devant encore être réglés. La Commission d’étude juridique de la CIB a présenté ses propositions à la Conférence des déléguées de la CIB en septembre 2023 et a été guidée dans son travail futur par les discussions qui ont eu lieu entre les déléguées à Cullman. Les étapes suivantes ont été discutées lors de la réunion de la Conférence des délégués de la CIB qui s’est tenue à Assise, avant la réunion du Congrès des abbés à Rome, en septembre 2024. L’un des sujets centraux de cette dernière réunion était ces changements structurels proposés à la CIB, afin de lui permettre de mieux servir les bénédictines du monde entier. En fait, l’objectif de la CIB est de construire une communion forte entre les bénédictines. Tout ce que la CIB peut faire pour promouvoir cette mission est ce qu’elle devrait être. Ayant reconnu, entre autres, que notre structure basée sur les régions (il y a 19 régions de la CIB dans le monde, dessinées de façon quelque peu arbitraire) ne fonctionne pas aussi bien qu’elle le pourrait – étant donné les difficultés de communication, nous avons entrepris de trouver la meilleure façon d’y remédier. La commission d’étude juridique de la CIB qui a été nommée travaille pour nous aider à trouver une bonne façon d’avancer.
La proposition générale de faire de la CIB une organisation parallèle à la Confédération bénédictine a été bien accueillie et a été généralement approuvée par celles qui ont participé aux réunions de la CIB depuis 2021. La proposition de passer d’une organisation basée sur les régions à une organisation basée sur les congrégations et les fédérations de bénédictines permettrait des communications plus organiques à travers les systèmes déjà employés par les congrégations et les fédérations. Ces propositions de changements organisationnels ont également été présentées au Congrès des abbés à Rome, qui s’est également tenu en septembre 2024.
Les prochaines étapes de cette réorganisation de la CIB comprennent l’élaboration des statuts par la Commission juridique et leur examen lors de la prochaine réunion de la CIB qui se tiendra en septembre 2025 à Montserrat.
La Commission juridique a précisé les points suivants :
1. Nous considérons la structure, l’organisation des bénédictines au niveau mondial. Nous ne considérons pas la structure juridique, le statut juridique au niveau du monastère lui-même, ni au niveau des congrégations (de sœurs, de moniales, féminines, mixtes) et des fédérations.
2. L’objectif est :
- de mieux représenter les femmes bénédictines,
- d’être sur un pied d’égalité avec les moines,
- d’avoir notre propre voix dans l’Église.
3. Notre fondement est le développement de la CIB au cours des 50 dernières années sous l’égide de la Confédération des moines.
4. La vision est d’avoir un seul Ordre bénédictin, avec une branche masculine et une branche féminine.
Notre vocation monastique, bien sûr, est de chercher Dieu dans le monastère, l’école du service du Seigneur. La manière dont cela est vécu localement à travers les continents, les cultures et les langues témoigne de la sagesse de saint Benoît dans la Règle qu’il nous a laissée. C’est un document qui fournit une bonne structure, tout en étant flexible et adaptable aux femmes et aux hommes, aux différents lieux, chacun avec ses propres défis et ses propres luttes. La façon dont nous pouvons nous soutenir et nous stimuler les unes les autres pour vivre la joie, la foi et la fidélité, en étant stables dans un monde instable, en faisant de notre mieux pour porter la lumière qui brille dans nos cœurs est un travail monastique quotidien au sein des monastères de la CIB. La CIB, communion de femmes bénédictines, s’efforce de soutenir ce mode de vie monastique tel qu’il est vécu dans le monde entier.
La Fédération Notre-Dame de la Rencontre
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Perspectives
Sœur Thérèse-Benoît Kaboré, osb
Moniale de Koubri (Burkina Faso)
et membre de l’Equipe internationale de l’AIM
La Fédération Notre-Dame de la Rencontre
Pour répondre à la requête de la Constitution apostolique Vultum Dei quaerere sur la vie contemplative féminine et de l’Instruction d’application Cor orans, une quinzaine de monastères en France et dans quelques pays d’Afrique de l’Ouest ont décidé de constituer ensemble une fédération : la « Fédération Notre-Dame de la Rencontre » qui voit officiellement le jour le 22 février 2022. Si des liens existaient déjà entre la grande majorité de ces monastères, cette nouvelle structure rend plus formelle les relations et favorise une plus grande communion.
Pour une meilleure compréhension de notre contribution, nous partirons de quelques considérations sur Cor orans avant d’aborder les relations qui existent entre les monastères de la fédération Notre-Dame de la Rencontre. Nous parlerons également du lien qui existe entre cette Fédération et la congrégation de Subiaco-Mont Cassin.
1. Quelques considérations générales[1]
Le mot fédération dérive du latin foedus qui signifie convention, alliance, pacte, etc. Le numéro 86 de Cor orans définit la Fédération en ces termes :
« La Fédération est une structure de communion entre les monastères d’un même Institut, érigée par le Saint-Siège, pour que les monastères qui partagent le même charisme ne restent pas isolés mais puissent le garder fidèlement et, dans l’entraide fraternelle mutuelle, vivre la valeur indispensable de la communion (cf. VDQ 28-30) »[2].
Chaque monastère reste autonome, mais établit des liens de communion avec d’autres monastères qui, le plus souvent, partagent le même charisme, comme dans le cas de la fédération Notre-Dame de la Rencontre où tous les monastères sont de spiritualité bénédictine.
Avec l’avènement de Cor orans et la multiplication des fédérations qui ont vu le jour, on pourrait penser que la Fédération est une réalité très récente. Mais en fait, il n’en est pas ainsi. En effet, la Fédération voit le jour au milieu du siècle dernier suite à la promulgation de la Constitution apostolique Sponsa Christi Ecclesia de Pie XII en 1950. Cette institution naît comme une structure d’aide, de fraternité et de soutien mutuel. Pour le Souverain Pontife, les monastères pourraient, à travers la Fédération, surmonter l’isolement, pour promouvoir ensemble l’observance régulière et la vie contemplative.
La Constitution Sponsa Christi Ecclesia encourageait très fortement les Fédérations qu’elle voyait être une nécessité dans certains cas, mais elle n’en faisait pas une obligation. Dans cette même perspective, le concile Vatican II, dans le décret Perfectae caritatis, encouragea la création de Fédérations entre monastères sui iuris appartenant d’une manière ou d’une autre à une même famille religieuse, mais n’obligeait personne. Le Code de droit canonique lui-même n’en fait aucune mention quant à une quelconque obligation. Il se contente de souligner que la création de la Fédération est uniquement réservée au Siège apostolique (cf. can. 582). Une autre mention de la Fédération apparaît dans le troisième paragraphe du can. 684 qui aborde la question du passage d’un monastère à un autre.
Il en sera de même avec l’Instruction Verbi sponsa du 13 mai 1999 qui définit les Fédérations comme « des organes d’aide et de coordination entre les monastères, pour qu’ils puissent réaliser de façon adéquate leur vocation dans l’Église. Leur but principal est de garder et de promouvoir les valeurs de la vie contemplative des monastères qui en font partie »[3]. Tout en encourageant vivement ces regroupements, l’Instruction prend le soin de préciser que « la décision d’y adhérer ou non dépend de chaque communauté, dont la liberté doit être respectée »[4].
La liberté laissée à chaque monastère d’adhérer ou non à une Fédération dont témoignent les documents cités ci-dessus a eu comme conséquence que la majorité des monastères féminins de rite latin soit restée, jusqu’à l’avènement de Vultum Dei quaerere et de Cor orans, sans aucun lien avec d’autres, et que plusieurs monastères de la même région s’ignorent. Avec Vultum Dei quaerere, et Cor orans, les choses ont changé : appartenir à une Fédération est devenu une obligation pour tous les monastères sui iuris : « Conformément aux dispositions de la Constitution apostolique Vultum Dei quaerere, tous les monastères doivent d’abord entrer dans une Fédération »[5].
La Fédération n’est pas une Congrégation ! C’est une structure qui respecte l’autonomie des monastères qui en font partie. Ses Statuts ne concernent pas la vie des monastères, celle-ci étant régie par les Constitutions de chaque monastère, mais la vie dans la Fédération. On pensait donner à la présidente fédérale les pouvoirs d’un supérieur majeur, mais ce choix fut jugé inapproprié car il n’y aurait plus de différence entre une présidente fédérale et une abbesse, présidente d’une Congrégation monastique. La présidente fédérale n’est donc pas une supérieure majeure, même si elle a vu son autorité amplifiée. Elle ne peut entreprendre que ce qui est établi dans l’Instruction Cor orans[6]. Elle dispose actuellement de trois nouveaux pouvoirs :
a) Le droit d’accès dans les monastères fédérés : avant Cor orans, la présidente de la Fédération était autorisée à faire des visites maternelles dans les monastères, mais la véritable figure de visiteur était l’évêque diocésain ou l’Ordinaire religieux masculin. La visite devait être convenue et la supérieure du monastère devait permettre à la présidente d’entrer dans son monastère. La visite devait être donc demandée et acceptée. Actuellement, il existe trois niveaux de visites :
1) les visites maternelles et amicales (cf. Cor orans 114) ;
2) les visites spéciales, effectuées lorsqu’il y a des problèmes dans un monastère, la Fédérale procède à une enquête sur place (Cor orans 113), et ;
3) la visite canonique proprement dite où la Fédérale accompagne l’évêque diocésain ou l’Ordinaire religieux masculin en tant que covisitatrice. Mais, il faut bien noter que même si elle n’est que covisitatrice, elle a un très grand rôle à jouer durant la visite et même après la visite[7].
b) L’extension de l’exclaustration : On pourrait se demander pourquoi on ne donnerait pas à la supérieure d’un monastère sui iuris, qui est supérieure majeure, l’autorité pour accorder l’exclaustration de trois ans comme le font les supérieurs majeurs des autres instituts religieux. C’est une question légitime, mais le Dicastère en a jugé autrement. La première année d’exclaustration est donnée par la supérieure du monastère et les prolongations des deuxième et troisième années sont données par la présidente fédérale avec le consentement du Conseil fédéral (cf. CO 130).
c) La présidente fédérale doit aussi donner son avis dans le cas d’une aliénation ou d’une autre transaction dans laquelle la situation patrimoniale d’un monastère de la Fédération pourrait subir des dommages[8]. Cette disposition déroge à la norme du can. 638 §4 qui attribuait ce rôle à l’Ordinaire du lieu qui devait donner son consentement par écrit dans de telles situations.
En ce qui concerne la structure de la Fédération, il n’y a pas de changements significatifs, c’est-à-dire qu’elle est restée en grande partie la même. La présidente fédérale dispose d’un Conseil composé de quatre personnes (cf. CO 123). La Fédération a ses propres pouvoirs, elle dispose d’un siège social et, en plus des quatre conseillères, dispose également d’une secrétaire, d’une économe[9] et d’une formatrice[10] fédérales.
D’une manière toute particulière, la Fédération a un rôle important à jouer dans le domaine de la formation – formation des abbesses, noviciat commun, cours pour les professes temporaires et bien d’autres types de formation –, de même que pour l’aide à apporter aux monastères en difficulté. Sur ce dernier point, la Fédération pourra faciliter le transfert de moniales, que ce soit de façon temporaire ou permanente en vue de soutenir une communauté en difficulté.
De plus, Cor orans donne la possibilité à la Fédération de fonder ou d’affilier un monastère. Même si elle n’est pas une supérieure majeure, dans le cas de fondation ou d’affiliation, la présidente fédérale agit comme une supérieure majeure.
2. La communion entre les monastères de la Fédération Notre-Dame de la Rencontre
La communion est un trait caractéristique de l’Église. Nous venons de vivre le Synode sur la synodalité qui nous l’a rappelé de manière très forte :
« Marcher ensemble, être synodal, telle est la vocation de l’Église […] les chrétiens sont appelés à faire route ensemble, jamais comme des voyageurs solitaires […] Marcher ensemble, c’est être des tisseurs d’unité »[11].
C’est ce que veulent vivre les monastères de notre Fédération dont le nom dit beaucoup : « Notre-Dame de la Rencontre ». Ce nom trace tout un programme. Les monastères de la Fédération veulent « développer un cœur qui bat ensemble et pour l’ensemble »[12]. Cela exprime clairement le désir de vivre la communion.

Plus est grande la communion, plus s’ouvrent des voies de collaboration, des possibilités d’aider et de se faire aider. De ce point de vue, les assemblées fédérales, comme les autres rencontres entre membres de la Fédération, sont des moments forts de communion et de partage enrichissants. On ne partage pas seulement ses difficultés mais aussi ses expériences. Ces rencontres fédérales permettent une vraie connaissance mutuelle. Elles permettent aussi de se soutenir et de s’encourager, de sortir de l’isolement et de la solitude pour rencontrer l’autre. Quand on est dans une situation de force, on peut avoir l’impression de se suffire à soi-même, de ne pas avoir besoin des autres. L’expérience de fragilité que vivent d’une manière ou d’une autre toutes les communautés, nous fait comprendre la valeur de la communion, la nécessité de marcher ensemble et de se soutenir. Aujourd’hui, si on veut aller plus loin, on ne peut vouloir faire son chemin tout seul. Le pape François, de vénérée mémoire, n’a cessé de nous le rappeler ces dernières années : « On ne peut pas se sauver tout seul. On a aussi besoin des autres ».
La possibilité d’échange de services fraternels entre les monastères[13] est un élément précieux qu’il convient de souligner. Quand un monastère a besoin d’aide, il arrive que les autres envoient des sœurs pour soutenir ce monastère. Ainsi, la Fédération est une vraie structure de charité vécue.

Au nom de la Fédération, les monastères d’Afrique de l’Ouest soutiennent leurs sœurs du monastère Sainte-Croix de Friguiagbé, en Guinée Conakry. Sur ce point, il faut reconnaître que les monastères d’Afrique de l’Ouest vivaient déjà de vraies relations fraternelles à travers l’association créée en 1980 par les Mères fondatrices. C’est aussi au nom de la Fédération que l’abbaye de Jouarre accueille dans son EHPAD les sœurs âgées des autres monastères français de la Fédération.
Les visites fraternelles lors de certains événements importants comme la bénédiction abbatiale, la profession solennelle, la dédicace de l’église du monastère, etc., sont autant de démarches qui expriment le désir de cheminer ensemble et de se soutenir mutuellement. Ainsi, au nom de la Fédération, plusieurs moniales de monastères français ont participé il y a deux ans à la dédicace de l’église du monastère de la Bonne-Nouvelle de Bouaké, en Côte d’Ivoire. De même, à la profession solennelle de sœur Marie-Gertrude de sainte-Croix, de Friguiagbé, en décembre dernier, plusieurs monastères étaient représentés. Il faut noter d’une façon toute particulière la présence de Mère Abbesse Bénédicte de l’Assomption, de Dzogbégan, Conseillère fédérale, à plusieurs de ces événements.
L’élément le plus important de la structure fédérale est l’Assemblée fédérale, généralement composée de la supérieure et de la déléguée de chaque monastère. L’Assemblée établit les orientations et les engagements de la Fédération en référence aux statuts qui seront ensuite mis en œuvre par la présidente fédérale avec le Conseil. La première Assemblée générale de la Fédération a eu lieu du 7 au 13 novembre 2022 à Jouarre. Elle a eu pour tâche d’élire sa première présidente en la personne de Mère Christophe Brondy, abbesse de Jouarre. Avec les membres du Conseil élus durant cette même Assemblée, elle s’est engagée à conduire la Fédération pour 6 ans. Les préparatifs pour l’Assemblée fédérale intermédiaire[14], qui aura lieu du 16 au 22 novembre prochain, sont en cours avec plusieurs rencontres en ligne des supérieures qui apprécient bien ces rencontres d’échanges et de partage d’expériences.
Il est clair que la Fédération fonctionnera dans la mesure où un climat de communion, de confiance et de collaboration s’établira entre les monastères. Chaque monastère doit comprendre qu’il ne peut pas vivre totalement isolé des autres, ni se cacher derrière sa propre autonomie pour ne pas être dérangé ou pour ne pas avoir à répondre de ses actes à qui que ce soit. Chacun doit se sentir responsable de la bonne marche de la Fédération.
3. Lien entre la Fédération et la congrégation de Subiaco-Mont-Cassin
Cor orans encourageant « l’association juridique des monastères de moniales à l’Ordre masculin correspondant afin de protéger l’identité charismatique »[15], notre Fédération s’est tournée vers la congrégation de Subiaco-Mont-Cassin, Congrégation à laquelle tous les monastères de la Fédération étaient d’une manière ou d’une autre déjà associés. Cette association offre aux monastères de la Fédération, une aide précieuse en les unissant à la vie spirituelle et aux traditions de la Congrégation. D’une manière particulière, la Fédération a « la possibilité d’user d’indults accordés à la congrégation de Subiaco-Mont-Cassin et pouvant concerner la vie des moniales ». De même, elle peut recourir « au procureur de la Congrégation pour ce qui concerne les rapports de la Fédération avec la Curie romaine ». La Fédération peut également utiliser l’Ordo divini officii de la Congrégation. Il faut aussi ajouter que « l’assistant religieux, représentant le Saint-Siège auprès de la Fédération, est de préférence un abbé ou un moine prêtre de la congrégation de Subiaco-Mont-Cassin »[16]. De cette manière, l’association crée des liens profonds de vie spirituelle et fraternelle avec nos frères de la Congrégation et nous fait ressentir que nous sommes de véritables filles de saint Benoît. Cela est une bonne chose !
Mais pouvons-nous imaginer qu’un jour nous formions tous une même et unique Congrégation ? On ne peut pas s’empêcher de rêver ! Mais pour le moment, c’est de la Fédération qu’il s’agit. Elle a un grand rôle à jouer pour donner une nouvelle impulsion à la vie des monastères. Pour les monastères eux-mêmes, il s’agit de vivre l’autonomie dans la communion. Il est nécessaire aujourd’hui de développer une mentalité de communion plus large, de connaissance mutuelle et de disponibilité aux besoins des différentes réalités communautaires que chacun des monastères fédérés devrait ressentir comme les siennes propres…
[1] Sur ces considérations, lire : O. PEPE, La federazione dei monasteri fra presente e futuro, in Sequela Christi, XLII (2016), 319-332 ; T.B. KABORE, Vie monastique et législation canonique, l’identité bénédictine face aux défis contemporains en Afrique de l’Ouest, Saint-Léger, 2023, 214-218.
[2] Cor orans 86.
[3] Verbi sponsa 27.
[4] Verbi sponsa 27.
[5] Cor orans 93.
[6] Cf. Cor orans 110.
[7] Cf. CO (Cor orans) 111-112 ; 115-116.
[8] Cf. CO 52-53.
[9] Cf. CO 134.
[10] Cf. CO 148.
[11] Pape François, Marchons ensemble dans l’espérance, Message pour le Carême 2025.
[12] C’est le mot d’ordre donné par la première Assemblée fédérale.
[13] Fédération Notre-Dame de la Rencontre, Statuts, art. 6.
[14] Cf. CO 136.
[15] CO 79.
[16] Fédération Notre-Dame de la Rencontre, Statuts, art. 61.
Communautés membres de la Fédération : abbaye de Pradines (France), abbaye de La Rochette (France), abbaye de Jouarre (France), abbaye de Maumont (France), abbaye de Chantelle (France), abbaye de Poitiers (France), prieuré de Bouaké (Côte d’Ivoire), prieuré de Friguiagbé (Guinée Conakry), abbaye de Dourgne (France), monastère de Flée (France), abbaye de Limon (France), abbaye de Valogne (France), abbaye de Venière (France), monastère d’Urt (France), monastère de Sadori (Togo), monastère de Koubri (Burkina Faso), abbaye de Dzogbégan (Togo).
Statut sur l’accompagnement des communautés fragiles et sur la suppression d’un monastère
5
Perspectives
Ordre cistercien de la Stricte Observance (OCSO)
Statut sur l’accompagnement des communautés fragiles
et sur la suppression d’un monastère
1. Lorsqu’une communauté est confrontée à une fragilité croissante, elle est encouragée à affronter la situation honnêtement. Chaque communauté de l’Ordre, sur chaque continent, peut être confrontée à cette fragilité à un certain moment de son histoire. Il est important dans ce cas que la communauté ne s’isole pas sous prétexte de son autonomie, mais qu’elle se perçoive « comme faisant partie d’une véritable communion constamment ouverte à la rencontre, au dialogue, à l’écoute attentive et à l’assistance mutuelle » (cf. VDQ 29). La Charte de la charité nous enseigne aussi à chercher et à accepter une assistance concrète « afin de vivre d’une seule charité » (CC III.2).
2. « Dans un esprit de docilité à la voix de l’Esprit Saint », la communauté discute de la situation « humblement et franchement » (cf. C. 36.1). Chacun est appelé à l’attention mutuelle, à la collaboration et à l’obéissance. « La lumière de la foi est particulièrement nécessaire en ces temps difficiles afin de voir que le cœur se forme par l’expérience personnelle et communautaire de la croix, de la mort et de la résurrection du Christ » (Ratio 54).
Des solutions créatives sont nécessaires dans ces situations.
I. Prise de conscience de la fragilité
3. En premier lieu, il est de la responsabilité de chaque communauté, sous la direction de son supérieur, d’envisager sa situation avec réalisme, non seulement d’un point de vue humain, mais surtout du point de vue de la foi. Une expérience de fragilité doit être accueillie comme une invitation du Seigneur à choisir la vie en entrant dans le Mystère pascal.
4. Dans l’esprit de l’Évangile, les communautés doivent demander et accepter l’aide du Père immédiat, de la Région, de l’Abbé général, du Chapitre général ou d’autres. Les éléments à considérer dans l’évaluation et le discernement peuvent inclure :
- le nombre de moines ou de moniales ;
- le profil d’âge de la communauté ;
- si elle a la vitalité nécessaire pour vivre la vie monastique ;
- la capacité de la communauté à assurer la formation et la gouvernance ;
- la dignité et la qualité de la vie liturgique, fraternelle et spirituelle de la communauté ;
- la valeur de témoignage de la communauté et sa communion avec l’Église locale ;
- si la structure économique est saine ;
- si les bâtiments sont adaptés à la communauté actuelle.
Ces éléments doivent être considérés de façon globale, dans une perspective équilibrée et dans le contexte de la communauté en question.
5. Dans une situation de fragilité croissante dans sa maison-fille, le Père immédiat doit avoir le courage d’aider le/la supérieur et la communauté à affronter cette réalité. La visite régulière est l’instrument le plus approprié à cette fin (Stat. RV 15).
II. Mesures pastorales et collaboration
6. En aidant la communauté à faire face à sa situation, le Père immédiat procède avec beaucoup de tact et de charité, confiant dans l’action de l’Esprit Saint en chaque personne et dans la communauté. Ensemble, ils chercheront des moyens d’aider la communauté à vivre la plénitude de la conversatio cistercienne. Il pourrait s’agir notamment de :
– prendre conscience des changements dans la société, de la réalité des jeunes et de la nécessité de changer les méthodes de formation ;
– adapter les bâtiments, la liturgie, les horaires, le travail et l’économie à la taille et aux capacités de la communauté ;
– changements d’officiers ; aide par l’intermédiaire de personnel provenant d’autres communautés ou de l’extérieur de l’Ordre (par ex. pour les soins de santé, l’économie) ;
– s’efforcer de promouvoir une meilleure communication au sein de la communauté ou de promouvoir la réconciliation entre ses membres ;
– la recherche d’autres formes d’aide au sein de la filiation ou de la Région ;
– la création d’une Commission pour l’avenir.
7. Le succès de ces mesures dépend dans une large mesure de la coopération et de la bonne volonté de toutes les personnes impliquées (communauté, supérieur/e, Père immédiat).
III. Fragilité avancée : mesures spéciales
8. Si, après tous ces efforts, la situation de fragilité persiste, le supérieur ou le Père immédiat, ou une Commission du Chapitre général, ou l’Abbé général, porteront la situation à l’attention particulière du Chapitre général. Si le Père immédiat juge que la communauté ne peut plus former de nouveaux aspirants, il demande au Chapitre général de suspendre son droit de recevoir des aspirants, conformément au Statut 79.B.
9. Une Commission pour l’avenir sera établie par le Chapitre général, laquelle inclura le Père immédiat et remplacera toute Commission existante. Le but et le mandat de cette nouvelle Commission seront précisés par le Chapitre général. Il s’agira notamment de veiller à ce que les biens temporels du monastère soient bien gérés, conformément aux Constitutions et au droit civil du lieu, et sauvegardés en vue de l’éventuelle fermeture du monastère.
10. Si la situation de la communauté ne s’améliore toujours pas, le Chapitre général, à la demande du Père immédiat, peut procéder à la suspension de l’exercice de l’autonomie de la communauté. Ce vote du Chapitre général requiert une majorité absolue. Le Chapitre général nomme ensuite un/e Commissaire monastique qui veillera aux soins des membres de la communauté pour qu’ils puissent continuer à vivre ensemble le plus possible. Ce/cette Commissaire, qui peut être de l’intérieur ou de l’extérieur de l’Ordre, est un(e) supérieur(e) religieux/se majeur(e) dont l’autorité est limitée au sens de la lettre de nomination. Il/elle fera rapport régulièrement au Père immédiat. Si cette personne n’est pas déjà membre de la Commission pour l’avenir, il/elle le devient au moment de sa nomination comme Commissaire monastique. En certains cas exceptionnels et urgents, le Chapitre général peur nommer le Père immédiat Commissaire monastique.
11. Le/la Commissaire monastique n’a pas besoin de vivre au monastère. Il/elle peut désigner quelqu’un d’autre pour s’occuper des besoins quotidiens de la communauté, qu’il s’agisse d’un membre de la communauté, d’un autre membre de l’Ordre, du membre d’un autre institut religieux ou même d’un laïc.
12. Le/la Commissaire monastique choisit au moins deux personnes comme conseillers/ères, qui peuvent provenir de l’intérieur ou de l’extérieur de la communauté. Au besoin, ces conseillers/ères agissent comme conseil du/de la Commissaire monastique. Le chapitre conventuel est suspendu sauf pour les actes d’administration extraordinaire et pour le vote mentionné au numéro 19 ci-dessous. Le/la Commissaire monastique tient les membres de la communauté informés et reste à l’écoute de leurs opinions sur les questions importantes.
13. La suspension de l’exercice de l’autonomie ne change pas la relation de filiation. Le Père immédiat continue d’aider et de soutenir le/la Commissaire monastique de sa maison-fille dans l’exercice de sa charge (cf. C. 74.1). Tous les droits et obligations du Père immédiat envers la maison-fille restent intacts, y compris ceux de la Visite régulière.
14. Si la communauté dont l’exercice de l’autonomie est suspendu a des maisons-filles, le Père immédiat, en consultation avec les maisons-filles, décidera comment l’exercice de la paternité sera effectué.
15. Si la situation de la communauté s’améliore et que la communauté et/ou le Père immédiat est d’avis que l’exercice de l’autonomie peut reprendre, l’un ou l’autre ou les deux en informent le Chapitre général. Le Chapitre général enquête sur la question et juge s’il y a lieu de lever la suspension, ce qui requiert un vote à la majorité absolue du Chapitre général.
16. Entre les Chapitres généraux, dans les cas qui ne peuvent être reportés, l’Abbé général, avec le consentement de son Conseil, a le pouvoir d’agir au nom du Chapitre général dans tout ce qui est indiqué ci-dessus concernant la suspension de l’exercice de l’autonomie d’une communauté (C 82.2).
IV. Le processus de suppression
17. Quand, en raison de circonstances particulières et de longue date, un monastère n’offre plus aucun fondement d’espoir de croissance (cf. PC 21), on examine soigneusement s’il doit être fermé.
18. L’évêque du lieu est consulté.
19. Lorsque la communauté a pris conscience qu’elle doit être fermée, le Père immédiat invite le chapitre conventuel à exprimer son acceptation de cette réalité par un vote qui requiert la majorité absolue.
20. Pour envisager la suppression d’un monastère, le Chapitre général exige un rapport écrit du Père immédiat et un du Commissaire monastique, accompagnés de leur avis sur le sujet.
21m. Seul le Chapitre général, à la majorité des deux tiers, peut décider de la suppression d’un monastère autonome.
21f. Seul le Chapitre général, à la majorité des deux tiers, peut demander au Saint-Siège de supprimer un monastère autonome (ICI 616, 4).
22. Après que le Chapitre général a voté la suppression d’un monastère ou, dans le cas d’un monastère de moniales, a voté de demander au Saint-Siège de le faire, il nomme une commission de fermeture composée d’au moins cinq personnes pour mettre en œuvre la suppression. Cette Commission, qui remplace la Commission mentionnée au paragraphe 9 ci-dessus, accorde une grande attention pastorale aux membres de la maison supprimée, et veille à ce que chacun/e trouve une communauté de l’Ordre qui l’accueille en vue d’assurer sa stabilité. Tout membre de l’Ordre a le droit et le devoir d’avoir la stabilité dans un monastère de l’Ordre, avec tous les droits et obligations qui y sont liés.
23. La communauté qui accepte de tels membres venant d’une communauté supprimée exprimera sa volonté et son engagement par un vote. Ce vote, qui requiert la majorité absolue, a lieu au moment de l’acceptation et non après une période de probation. Ces nouveaux membres d’une communauté seront invités à faire preuve de prudence dans l’utilisation de leur droit de vote nouvellement acquis.
24. Lorsqu’un membre âgé ou malade d’un monastère supprimé doit vivre en permanence dans n’importe quel type de foyer de soins, une communauté de l’Ordre doit accepter de prendre soin de lui jusqu’à son décès. Il/elle acquiert la stabilité dans cette communauté mais, compte tenu de son absence physique, l’exercice de son droit de vote peut être suspendu.
25. Les avoirs financiers du monastère supprimé, dans le respect du droit civil du lieu et de la volonté des fondateurs et des donateurs, suivent les membres survivants de la communauté et vont, en proportion, aux monastères qui les reçoivent. Si ces biens sont importants, une partie est réservée pour aider d’autres monastères de l’Ordre, et pour répondre aux besoins de la localité où se trouve le monastère. La gestion de cette répartition des biens et d’autres éléments du patrimoine du monastère (par ex. archives, bibliothèque, etc.) est confiée à la Commission qui supervise la fermeture. Celle-ci peut se faire assister, si nécessaire, par des personnes compétentes qui ne doivent pas nécessairement être membres de l’Ordre.
Si la communauté a des dettes, la même Commission les remboursera en puisant dans les avoirs financiers de la communauté avant de les diviser, et en faisant appel, si nécessaire, à d’autres communautés ou aux organes de l’Ordre tels que la Commission d’aide ou la Commission des finances de l’Ordre.
26. Cette Commission rend compte de ses travaux au prochain Chapitre général et, dans l’intervalle, tient l’Abbé général et son Conseil informés de l’évolution de la situation.
27. Lorsque le processus de fermeture est entièrement terminé, le Chapitre général émet une déclaration de fermeture. Les travaux de la Commission de fermeture s’arrêtent alors.
Questions pour deux nouveaux présidents de congrégations
6
Perspectives
Dom Bernard Lorent Tayart, osb
President of AIM
Questions pour deux nouveaux présidents
de congrégations
Récemment, les congrégations de Subiaco-Montecassino et de Sankt-Ottilien, parmi les plus importantes de la Confédération, ont élu leur Abbé Président : dom Ignasi M. Fossas pour Subiaco-Montecassino, dom Javier Aparicio Suarez pour Sankt-Ottilien. Les deux nouveaux Abbés Présidents sont originaires de la péninsule ibérique. C’est l’occasion pour nous de les rencontrer et de les interroger sur le fonctionnement de la Congrégation, la formation, l’économie et la vie spirituelle.
Avant d’être président, quel a été votre parcours monastique ?
P. A. Ignasi : j’ai été infirmier pendant quatre ans, secrétaire du Père Abbé durant cinq ans, économe sur deux périodes de six ans et de trois ans, maître des novices deux ans et demi, sous-prieur quatre ans et prieur durant dix ans.
P. A. Javier : En 2010, j’ai été nommé supérieur de notre communauté en Espagne, située sur le chemin de Compostelle. Depuis 2021, j’étais le procureur de la congrégation de Sankt-Ottilien, ce qui correspond à la charge d’économe général.
Dom Ignasis M. Fossas, président de la congrégation Subiaco-Montecassino, et dom Javier Aparicio Suarez, président de la congrégation de Sankt-Ottilien.
I. Le fonctionnement de la Congrégation
Comment décrire votre Congrégation ? Quels sont ses charismes principaux ? le nombre de membres et de maisons, les langues utilisées ?
P. A. Ignasi : La congrégation de Subiaco-Montecassino est une congrégation internationale qui s’est formée sur les 150 dernières années par l’agrégation progressive de monastères très différents. La caractéristique principale de la Congrégation est justement la diversité. On trouve des monastères avec de grands écoles et en même temps des monastères situés en pleine campagne. Ensuite, nos monastères sont dispersés sur les cinq continents.
P. A. Javier : Je pense que nous sommes une Congrégation fortement dynamique, avec une énergie qui vient précisément de la combinaison de la dimension monastique avec notre charisme éminemment missionnaire.
Vos deux congrégations sont internationales. Où sont situés vos monastères ? Quelles langues utilisez-vous pour communiquer entre vos communautés ?
P. A. Ignasi : Comme je viens de le dire, nous sommes établis sur les cinq continents. Les langues utilisées sont l’italien, le français, l’anglais, l’espagnol, en plus des langues locales.
P. A. Javier : À part l’Australie, nous avons des monastères sur les quatre continents avec une forte présence en Afrique et évidemment en Europe d’où provient la Congrégation. La langue officielle pour nos réunions est l’anglais mais, vu notre caractéristique internationale, l’apprentissage des langues est un instrument important pour mener à bien notre mission.
Comment est constitué votre Chapitre général ?
P. A. Ignasi : Notre Chapitre général est formé de tous les supérieurs des monastères sui juris, les visiteurs des huit provinces qui composent la Congrégation et les délégués de chaque province (un délégué pour cent moines).
P. A. Javier : Tous les supérieurs majeurs de chaque communauté assistent au Chapitre général en plus d’un représentant de chaque monastère élu par les communautés. Les membres du Conseil de la Congrégation sont présents, et en plus il arrive qu’on invite les supérieurs de certaines maisons dépendantes. Et enfin, il y a un nombre considérable d’assistants : secrétaires, traducteurs, etc.
Se réunit-il toujours au même endroit ?
P. A. Ignasi : Pas toujours. D’habitude, on se réunit en Italie un peu avant le Congrès des abbés pour faciliter les voyages des moines qui viennent de loin. Mais le dernier Chapitre général, en 2024, s’est tenu à Montserrat pour fêter le millénaire de la fondation de cette abbaye.
P. A. Javier : Cette année, exceptionnellement, nous nous sommes réunis à l’abbaye de Waegwan en Corée. Sinon, le Chapitre général se réunit à Sankt-Ottilien, en Bavière.
Combien de temps dure-t-il ? Quelle est sa régularité ?
P. A. Ignasi : Le Chapitre général se réunit tous les quatre ans et il dure en moyenne de cinq à sept jours.
P. A. Javier : S’il n’y a rien d’exceptionnel à traiter, le Chapitre dure deux semaines et il est convoqué tous les quatre ans.
Comment est composé le Conseil de votre Congrégation ?

P. A. Ignasi : Dans la congrégation de Subiaco-Montecassino, l’Abbé Président a deux Conseils : d’abord le Conseil des visiteurs qui se réunit en mai et en novembre ; ensuite le Conseil des assistants, composé de quatre moines dont un est le procureur, qui se réunit d’habitude une fois par mois.
P. A. Javier : Le Conseil est présidé évidemment par l’Abbé Président. Le Conseil est constitué du procureur et du secrétaire qui sont proposés par l’Abbé Président et confirmés par le chapitre ; deux abbés sont élus comme assistants de l’Abbé Président et cinq membres sont aussi élus par le Chapitre. Ce qui fait un total de dix membres.
Combien de fois se réunit-il ? en présentiel ? par Zoom ?
P. A. Ignasi : Normalement les réunions sont en présentiel, mais il y a aussi la possibilité d’utiliser Zoom.
P. A. Javier : On se réunit deux fois par an en présentiel pour cinq jours. En plus, nous avons des réunions périodiques via Zoom.
Votre Congrégation a-t-elle un Siège permanent ?
P. A. Javier : Le Siège de la Congrégation (House of the congregation) est situé dans l’abbaye de Sankt-Ottilien. Y résident l’Abbé Président, le procureur et le secrétaire.
P. A. Ignasi : Chez nous, c’est à Rome, via Sant’Ambrogio 3, dans la « Domus paterna sancti Ambrosii ».
Vu l’importance de vos congrégations, avez-vous une organisation régionale ? Comment les relations interrégionales fonctionnent-elles ?
P. A. Javier : Il arrive que certaines parties du monde travaillent plus entre elles comme c’est le cas pour les monastères situés en Afrique qui composent 59 % de l’ensemble de la Congrégation. Idem, les monastères européens ont un poids spécifique. Nous avons l’intention de consolider les relations entre les monastères situés en Amérique et en Asie.
P. A. Ignasi : Nous avons une organisation par provinces. Certaines provinces sont basées sur la région comme les provinces vietnamienne, italienne, philippine ; et d’autres sur la langue : provinces française, espagnole, anglaise.
Avez-vous l’occasion de réunir les supérieurs de vos monastères en dehors du Chapitre général ? Ont-ils l’occasion de se rencontrer souvent ? Pouvez-vous vous-mêmes les rencontrer en dehors de Chapitres ou des visites canoniques ?
P. A. Javier : Tous les quatre ans, entre la célébration du Chapitre général, on convoque une réunion avec tous les supérieurs majeurs pour évaluer le Chapitre passé, suivre l’évolution des thèmes traités et déjà proposer de nouveaux thèmes pour le Chapitre suivant.
En plus, les différentes régions ont des réunions des supérieurs avec une fréquence annuelle. Enfin, il y a de nombreuses occasions informelles pour permettre aux supérieurs de se rencontrer.
P. A. Ignasi : À cause des dimensions de notre Congrégation, tous les supérieurs se rencontrent seulement lors des Chapitres généraux. Entre eux cependant, ils se rencontrent au niveau des provinces ou à un niveau régional, avec les supérieurs d’autres congrégations bénédictines ou même d’autres Ordres.
Envisagez-vous au sein de votre Congrégation le transfert de moines ou de moniales du Sud, où les vocations sont plus nombreuses, vers le Nord où elles manquent ? Ou laissez-vous les communautés traiter de cela indépendamment ?
P. A. Javier : C’est un thème complexe qui demande une réponse détaillée. L’expérience nous montre que chaque cas doit être traité de manière individuelle, tant pour le moine que pour la communauté à laquelle il est destiné. Ce n’est pas tant une question de faire nombre mais plus une motivation et un projet pour que cela puisse être mené à bien. Nonobstant, c’est un thème qui n’est pas fermé et la Congrégation comme telle tient beaucoup à y réfléchir.
P. A. Ignasi : Chaque communauté décide indépendamment. Il y a du passage, mais on est plus dans le cadre de l’hospitalité des monastères du Nord qui accueillent les moines du Sud pour favoriser la formation.
Comment réagit votre Congrégation sur la possibilité d’avoir des supérieurs majeurs qui ne soient pas prêtres alors que vos congrégations sont sans doute considérées comme sacerdotales par le Saint-Siège ?
P. A. Javier : La demande est très différente de la précédente, mais la réponse est la même : chaque cas doit être traité de manière singulière en tenant compte de l’individu et de la communauté.
P. A. Ignasi : Il y a déjà certains cas qui fonctionnent, je crois, sans problème. Le dernier Chapitre général a introduit des modifications dans nos Constitutions en ce sens. Nous attendons la réponse du Dicastère (DIVCSVA).
Avez-vous une Commission canonique chargée de vous aider en cette matière ?
P. A. Javier : Nous n’avons pas une Commission canonique comme telle mais des experts en droit canonique qui sont consultés quand c’est nécessaire.
P. A. Ignasi : oui, nous avons une Commission.
II. La formation
En ce qui concerne la formation, avez-vous un projet commun au sein de la Congrégation, ou chaque monastère est autonome en la matière ?
P. A. Ignasi : Chaque monastère est autonome mais il y a des programmes communs pour chaque province. Un bel exemple est le Studium de Bouaké.
P. A. Javier : Il y a des années, on a élaboré des éléments de formation, pas un statut, qui envisageaient certains des points fondamentaux communs à toute la Congrégation. On a établi des principes généraux de ce qui était alors considéré comme nécessaire au niveau de la Congrégation.
Trouvez-vous facilement des formateurs ?
P. A. Ignasi : Non, pas facilement. C’est désormais un défi tant au Nord qu’au Sud.
P. A. Javier : On ne naît pas formateur, on le devient ! Dans tous les cas, cela dépend des possibilités de personnel dont dispose chaque communauté. Malgré cela, trouver un bon formateur n’est pas une tâche facile. En plus, il est essentiel de leur fournir les outils nécessaires pour mener à bien leur tâche.
Avez-vous un responsable de la formation au sein de la Congrégation, ou une équipe dédiée à cette tâche ?
P. A. Ignasi : Non, par contre il y a des responsables au sein de chaque province.
P. A. Javier : En tant que tel, il n’y a pas de responsable et nous n’avons pas l’intention d’assumer ce rôle car la réalité de la formation est très diverse si l’on tient compte des nombreuses différences entre les monastères de notre Congrégation. Néanmoins, en ce qui concerne nos maisons d’études, nous avons un superviseur qui les visite régulièrement.
Favorisez-vous la rencontre entre les formateurs ?
P. A. Ignasi : Oui, dans le sein de chaque province.
P. A. Javier : Oui. En fait cette année, après la Covid, nous reprenons la rencontre des maîtres des novices de toute la Congrégation. Elle aura lieu à Nairobi. De plus, nous envoyons souvent nos formateurs à des programmes de formation tels que le programme « Monastic Formators » ou à des programmes organisés régionalement.
Comme vos congrégations sont internationales, est-il envisageable que des jeunes religieux du Nord aille se former dans le Sud ? et vice-versa ? Y-a-t-il des échanges entre les formateurs et peuvent-ils passer d’un monastère à l’autre pour leur enseignement ?
P. A. Ignasi : Jusqu’ici, ce qui a fonctionné c’est la direction du Sud vers le Nord pour les étudiants et du Nord vers le Sud pour les formateurs, mais beaucoup moins.
P. A. Javier : C’est quelque chose de relativement fréquent dans notre Congrégation. Nos maisons d’études sont internationales et nous avons un nombre important d’étudiants à Sant’Anselmo et dans d’autres endroits. Et en ce qui concerne les formateurs, quand c’était nécessaire, certaines communautés ont été aidées par l’envoi de formateurs venant d’autres monastères.
Organisez-vous des rencontres entre vos jeunes ? novices ? jeunes profès ? étudiants ?
P. A. Ignasi : Oui bien sûr, mais au niveau de chaque province.
P. A. Javier : Il y a plusieurs programmes qui sont organisés à des niveaux très différents : rencontres annuelles des novices selon les régions ; réunions des juniors tous les deux ans ; des programmes à propos de la mission, etc. L’expérience de ces rencontres est vraiment positive, car elle permet d’unir une Congrégation aussi variée que la nôtre.
Quelles sont les régions qui donnent le plus de vocations ?
P. A. Ignasi : Le Vietnam avant tout, ensuite les Philippines, l’Afrique et l’Amérique latine.
P. A. Javier : Fondamentalement l’Afrique. En Europe, le déclin est évident mais pas dramatique. Des régions comme l’Asie et l’Amérique ont une croissance discrète.
En ce qui concerne les études de philosophie et de théologie, avez-vous un centre propre à la Congrégation ? Travaillez-vous avec d’autres congrégations, même non bénédictines ? Sant’Anselmo ou d’autres lieux de formations internationaux ?
P. A. Ignasi : Nous n’avons pas un centre propre à part le Studium de Bouaké pour l’Afrique de l’Ouest francophone et le Studium de Montserrat pour la province hispanique. Ensuite, chaque monastère décide. Certains peuvent organiser les études chez eux parce qu’ils sont associés à Sant’Anselmo comme Montserrat. D’autres cherchent des lieux d’étude dans leur voisinage ou à Sant’Anselmo.

P. A. Javier : Nous avons deux maisons d’étude, l’une à Nairobi, au Kenya, et l’autre à Lusaka, en Zambie. Un grand nombre de nos étudiants sont à Morogoro, en Tanzanie. En outre, il y a plusieurs moines qui étudient dans d’autres endroits dont Sant’Anselmo. Actuellement, le nombre de moines étudiants est de 100 environ.
Avez-vous une politique commune concernant les abus, abus d’autorité ou autres durant la formation de vos jeunes ?
P. A. Ignasi :




