Le groupe européen du DIM avait choisi de tenir sa réunion annuelle, du 28 mai au 2 juin 2007, au monastère trappiste de Midelt au Maroc. Le F. Daniel Pont d'En Calcat n'a pas ménagé sa peine pour que le projet se réalise dans les meilleures conditions. Qu'il en soit, une fois encore, remercié. Quant au fait d'avoir invité dans le groupe du DIM un représentant de l'AIM, il mérite à lui seul bien des remerciements.
Le choix d'une trappe en milieu musulman comme lieu de réunion n'était pas, loin s'en faut, sans signification. Il y a eu dans ce choix une volonté d'ouverture à une tradition religieuse qui se situe à la marge des préoccupations propres au DIM. Le monde musulman ne comporte pas, en effet, d'institutions spécifiquement monastiques.
Le dialogue interreligieux présente des connotations bien particulières dans le Maroc d'aujourd'hui. Il inclut, entre autres, quelques moines chrétiens. Pour bien comprendre la situation, un bref rappel historique ne manquera pas d'être utile. Je me fais ici, brièvement, l'écho de ce qu'a exposé Mgr Landel, archevêque de Rabat, aux membres du groupe européen du DIM.
La société musulmane marocaine est homogène depuis l'islamisation du pays. Seules quelques communautés juives d'ascendance très ancienne y ont subsisté. La présence de l'Église au Maroc est relativement récente. Elle coïncide avec l'instauration du protectorat français. Dès le départ l'Église a adopté une position d'abstention délibérée en matière de prosélytisme. Cela ne l'a pas empêchée d'être présente à la société marocaine par ses écoles, ses hôpitaux, ses dispensaires, etc... Une fois son indépendance retrouvée, l'état marocain a reconnu une existence légale à l'Église catholique entre autres. Celle-ci ne faisait que recueillir le bénéfice de la ligne de conduite adoptée sous le protectorat. Ses activités spécifiques liées au culte et à la pastorale, l'Église les vit aujourd'hui dans la discrétion. Par contre, elle est très présente à la société marocaine par les diverses activités qu'elle mène en partenariat avec des personnalités et des organisations marocaines. Le témoignage livré par le Père Jacques Levrat, présent au Maroc depuis une quarantaine d'années, fut à cet égard particulièrement éclairant. Il a fait part aux membres du groupe de sa large expérience dans le domaine de l'exploitation des outils de recherche en sciences humaines. Sous son impulsion et en collaboration avec des intellectuels marocains la bibliothèque de « la Source » à Rabat est devenue une référence pour les étudiants et chercheurs désireux de prendre le Maroc, sous quelque aspect que ce soit, comme thème de leur travail. Dans un tel contexte de travail où règne la confiance, des amitiés durables ont pu se nouer au fil du temps. Et qui dit amitié dit également désir de connaissance mutuelle dans le respect. Ainsi, tout naturellement, se sont trouvées mises en place les conditions d'un dialogue en profondeur entre musulmans et chrétiens. Ce dialogue s'est concrétisé par la création du GRIC (groupe de recherche islamo-chrétien) dont les activités perdurent encore aujourd'hui.
Enfin, il est difficile de parler du dialogue islamo-chrétien sans évoquer le soufisme, et, en ce monastère de Midelt, sans évoquer plus particulièrement les rencontres du « Ribât as-salâm » si chères aux moines de Tibhirine. C'est ainsi que, pour ma part, j'ai tenté de montrer combien le thème de la médiation est présent dans la doctrine du grand soufi andalou Ibn Arabî.
En fait, le dialogue interreligieux ne peut émerger que s'il y a d'abord le dialogue d'une vie partagée tant par les musulmans que par les chrétiens. Et c'est sans doute ce qui justifie la présence de moines chrétiens en terre d'Islam. Feu le cardinal Duval, archevêque d'Alger l'avait bien compris, lui qui avait soutenu, envers et contre tout, la présence d'une communauté monastique à Tibhirine. La prière des moines chrétiens et la prière des fidèles musulmans se croisent. De part et d'autre ce sont les mêmes tâches, les mêmes événements, heureux et malheureux, qui rythment la vie quotidienne. La solidarité qu'engendre une vie partagée devient le fondement d'un respect mutuel. Les convictions de l'autre méritent l'estime la plus profonde. Les moines de Midelt, qui ont pris la relève de ceux de Tibhirine, n'ont d'autre identité profonde, selon leurs propres dires, que d'être des « priants au milieu de priants ». Et quoi de plus symbolique à cet égard que d'entendre retentir simultanément l'appel à la prière du muezzin et l'invitation à la prière des Laudes !
Les valeurs immanentes à la société musulmane et les valeurs monastiques, présentent, à certains égards, une réelle connaturalité. La rencontre avec le monde de l'Islam n'est certainement pas étrangère aux finalités poursuivies par le DIM.
Jo Van Haeperen
Photo : DIM
le groupe avec
Mgr Landel