Ce que Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux attend des Moines et des Moniales

Allocution prononcée par Mgr Michael Fitzgerald, Président du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, lors de la Rencontre d'Assise - septembre 2003

1. Le soutien initial.

Notre Conseil a donné son premier appui au dialogue interreligieux monastique en 1968, lors de la réunion monastique interreligieuse qui s’est tenue à Bangkok. Il s’y est engagé officiellement en 1974 lorsque le Cardinal Pignedoli adressa à l’Abbé Primat Rembert Weakland une lettre soulignant l’importance de l’engagement monastique dans le dialogue interreligieux et présentant les moines et les moniales comme des constructeurs de ponts entre les cultures et les religions.

Trois points ont été particulièrement soulignés lors de la rencontre de Bangkok et dans la lettre du Cardinal Pignedoli :

Tout d’abord, l’absolue nécessité de la présence de la vie contemplative si l’église doit trouver sa complète expression dans un pays particulier. Sans une vie contemplative, l’église n’est pas une église pleinement développée. Ce point paraissait particulièrement important en Asie qui possède une longue tradition de prière, de recherche de l’Absolu, et où l’église a été souvent considérée, et l’est encore parfois de nos jours, comme une sorte d’ONG – une organisation d’aide, mais non comme une organisation très priante.

Pour illustrer l’importance de la vie contemplative pour la vie de l’église, je peux me référer à ma propre situation. Je suis l’archevêque titulaire de Nepte (Nefta), une oasis de Tunisie dans laquelle il n’y a plus aucune église. Le christianisme a en effet quasi disparu de l’Afrique du Nord. Mais au nord-est de l’Afrique, en Egypte, le christianisme survit et je voudrais suggérer qu’une des raisons de cela est l’élément monastique très fort qui existe dans le christianisme copte.

Ensuite, dans sa lettre à l’Abbé Primat Weakland, le Cardinal Pignedoli insistait sur le fait que les moines et les moniales peuvent construire un pont vers les autres religions. La raison en est que les moines chrétiens se trouvent en harmonie avec les moines d’autres traditions religieuses car la vocation monastique exprime une chose fondamentale dans la personne humaine : sa soif de Dieu, sa soif de quelque chose de plus grand que soi-même.

Enfin, s’opère une sorte de fécondation réciproque entre les préoccupations de notre Conseil et l’institution monastique. Le Conseil encourage moines et moniales à s’ouvrir à d’autres traditions religieuses. Mais nous avons aussi été influencés par l’expérience des moines. Cela apparaît clairement dans le document de 1984 qui traite de dialogue et mission, se référant aux quatre formes possibles de dialogue, l’une d’elles étant le dialogue de l’expérience religieuse. Sans l’expérience des groupes monastiques, il est peu probable que le document aurait fait référence au dialogue de l’expérience religieuse.

2. Le soutien monastique : qu’attendons-nous des monastères dans le domaine du dialogue interreligieux ?

Nous attendons d’eux le soutien de la prière, comptant que les communautés monastiques prieront pour que de bonnes relations s’établissent avec les membres d’autres religions.

Nous attendons d’eux l’hospitalité, cette sorte d’hospitalité qui se manifeste dans votre programme d’Echange Spirituel Monastique. Cette hospitalité aura parfois des aspects pratiques, tel que l'apprentissage d'une compétence ou d'une langue.

Un autre aspect de l’hospitalité concerne l’accueil et l’accompagnement de personnes qui sont engagées dans un pèlerinage spirituel, des personnes qui peuvent être bien éloignées du christianisme, mais qui sont à la recherche de quelque chose. Les communautés monastiques devraient être prêtes à partager avec eux quelque chose des richesses de la tradition chrétienne d’une manière qui soit intelligible pour eux.

Nous attendons d’eux un ‘travail en réseau’. C’est un peu paradoxal car chaque abbaye est autonome, mais vous êtes connectés. Le réseau DIM/MID est très utile, surtout dans les régions du monde qui ne se sont pas encore ouvertes au dialogue interreligieux.

3. La largeur d’esprit du monde bénédictin

Je considère tout à fait normal que le DIM/MID reste confiné dans la famille bénédictine. Pourtant je sais aussi que vous n’êtes pas exclusifs. J’ai moi-même bénéficié du programme d’Echange de 1990 – et je n’étais pas le seul non-bénédictin à y être engagé. J’aimerais voir l’expérience de l’Echange Spirituel s’étendre à d’autres groupes religieux, les encourageant à introduire le dialogue interreligieux dans leurs traditions. Les Carmes d’Angleterre m’ont invité à leur parler et je peux partager avec eux un peu de ce que j’ai reçu grâce à vous. Je voudrais vous encourager à partager votre expérience avec d’autres, sans rien sacrifier de la spécificité de l’échange monastique.

La plupart des efforts de dialogue interreligieux monastique se sont concentrés sur le Bouddhisme – et c’est normal puisqu’il y a un monachisme dans le Bouddhisme. Mais je me réjouis de ce qu’il y a parmi nous, aujourd’hui, des Hindous, et de ce que des contacts s’élargissent avec d’autres traditions spirituelles. En Angleterre il y a déjà des contacts avec des Hindous. Certains groupes du MID ont également noué des contacts avec des Musulmans. Je crois que l’on pourrait développer spécialement des relations avec des Musulmans plus portés vers la spiritualité, tels les groupes de Soufis. Mais je réalise aussi que vous ne pouvez pas tout faire ! Il est normal d’entretenir des contacts avec les groupes qui vivent près de vous. Si vous essayez de tout faire, vous ne ferez rien convenablement ! Ce que je vous demande, c’est de ne pas être exclusifs.

4. Explorer la tradition.

Nous pensons que tout Echange Spirituel relève de l’expérience, mais je ne crois pas que nous puissions négliger les composantes théologiques de pareil échange. Il y a grand profit à explorer mutuellement nos textes théologiques et une part importante de l’échange monastique pourrait consister dans le partage de textes qui nous font vivre. Des Bouddhistes ont commenté la Règle de St Benoît (par exemple dans le livre publié par le MID Benedict’s Dharma) et les Evangiles. Des Chrétiens pourraient tout aussi bien commenter des textes bouddhiques, pour autant que cela soit accepté de part et d’autre. Pareil partage de textes et leur commentaire peuvent aussi se faire par informatique. En Espagne, un échange semblable a été réalisé par courriel entre des Musulmans et des Chrétiens vivant dans des pays différents. Cela a produit plusieurs livres.

5. Le monastère idéal pour le dialogue interreligieux : silence, célébration, stabilité.

Lorsque vous vous rendez dans un monastère, vous espérez trouver un lieu différent où l’on s’ouvre à quelque chose au-delà de soi-même. Il faut qu’y règne une sobriété, même une certaine austérité. L’atmosphère doit être accueillante et chaleureuse, mais en même temps elle doit orienter vers l’essentiel. Ceci vaut particulièrement dans le cas d’un dialogue interreligieux car vous vous ouvrez à quelque chose qui est au-delà de vous.

Le silence n’est pas absolu ni menaçant car il débouche sur une célébration, trouve voix dans le chant et s’exprime à travers le culte. Pourvu qu’elle soit exécutée avec dignité, pareille célébration communique quelque chose, même à ceux qui n’en comprennent peut-être pas les mots.

 La stabilité que je désire évoquer est ce sens de la stabilité d’une communauté monastique particulière dans son dialogue interreligieux avec des personnes d’autres religions. En d’autres mots, je considère tout à fait normal que le dialogue interreligieux ne soit pas seulement le hobby d’une seule personne, mais qu’il soit assumé par la communauté tout entière qui lui confère stabilité et continuité.