L'Alliance Inter-Monastères (AIM) accompagne les communautés dans leur vie, leur développement, leurs épreuves. Elle suscite aussi une réflexion et des échanges sur la vie monastique devant les grandes questions de notre époque. Le rapport à la création constitue une interrogation majeure. La maîtrise technologique a rendu en effet la nature vulnérable et extrêmement fragile, du moins face aux manipulations humaines de tout genre. De nouvelles perspectives éthiques s'imposent et la création devient avec acuité un nouvel objet de responsabilité : qu'allons-nous transmettre aux générations futures ? (1)

Ce double numéro appelle à l'éveil, au discernement, à la mise en question du comportement, à la responsabilité. De nombreuses expériences monastiques sont évoquées, ainsi qu'une réflexion sur le défi de l'agriculture biologique et sur le commerce équitable. Le P. Anselm Grün souligne dans la tradition monastique l'importance de la spiritualité de la création. Moines et moniales célèbrent le Créateur de toutes choses, le louent et le contemplent dans la beauté de la création. " Vous serez pris dans l'hymne d'univers " poursuit Sr Marie-Pascale Dran,OCSO. Cet esprit, présent dans les psaumes et la liturgie, rayonne dans la vie commune et le travail de la communauté. Il relie le ciel à la terre, appelant aussi à un usage respectueux de l'environnement.

Les moniales orthodoxes de Solan dans le Gard se sont installées en 1991 dans une propriété agricole où des générations de cultivateurs et de viticulteurs ont servi le Seigneur par leur travail. Elles ont posé, à leur tour, des choix exigeants, préservant dans la biodiversité, restaurant la forêt de façon exemplaire, mettant en valeur les fruits de la terre selon le dessein de Dieu. En outre, selon le vœu du Patriarche de Constantinople, cette communauté, icône du Corps du Christ, consacre début septembre une journée de prières et d'échanges à la sauvegarde de la création.

Ces moniales avaient aussi répondu à l'invitation du WWF et de son Président Daniel Richard à participer à des échanges et à une concertation entre les délégués des grandes religions représentées en France . De leur côté, à l'initiative de HRH Prince Philip, Duc d'Edimbourg, l'Alliance pour les Religions et la Conservation de la Nature (ARC) et son président Martin Palmer prennent l'initiative de relier des peuples à travers les cultures, les religions et les institutions. Leur objectif est la protection de notre planète. Nous espérons donner un écho de leurs réalisations dans un prochain bulletin. Dans ce numéro, l'article de Carol Haest démontre combien notre perception de la nature peut être conditionnée par le contexte économique. Les monastères n'ont pas échappé à la tentation d'un usage excessif de pesticides et autres polluants. Heureusement, ce temps semble révolu.

La lecture de ce numéro surprend par la richesse et la diversité des expériences engagées : redécouverte de la forêt et des plantes médicinales au Togo, importance de l'eau, de la terre, des forêts, des oiseaux... Deux extraits récapitulent à leur manière l'approche monastique de ces expériences. Un frère bénédictin du Vermont, USA, nous livre ces mots qui viennent droit du cœur : " Comme nous vivons une vie monastique simple, sans ministère ni apostolat extérieurs, notre vie s'entremêle avec ce paysage rude. Elle s'écoule au rythme des saisons..., simple tentative, comme moines, de prendre au sérieux l'appel de l'Evangile à risquer l'aventure d'aimer 'l'autre' et à reconnaître dans cet autre la présence du Christ ". Il explicite sa pensée dans cette belle sentence : " Ce n'est qu'en demeurant dans cet amour qui honore la réciprocité de notre appartenance à notre environnement que la géographie devient un sacrement ".

Les soeurs bénédictines de Cottonwood apportent à leur tour ce témoignage : " Comme toutes les choses qui nous sont chères, nous considérions que la terre allait de soi. Nous avons découvert que nous n'avions jamais exprimé clairement ce que cela signifiait de posséder cette terre... Nous faisons l'expérience d'un lien avec la terre et reconnaissons notre responsabilité de respecter et de développer les ressources qu'elle nous offre. Pour cela, nous nous engageons à choisir un mode de vie qui témoigne de notre amour de la terre, à nous associer avec d'autres qui s'efforcent de soigner les blessures qui ont été infligées à notre planète, à nous stimuler par une formation continue en écologie, à utiliser nos terres pour un profit financier de manière responsable, et à partager avec d'autres l'atmosphère de paix et de recueillement qu'offre notre environnement. Toutes les décisions concernant nos terres découlent de notre philosophie. "

Réflexion, responsabilité, respect, louange, adoration rythment la vie de nos communautés monastiques. Une approche saine et juste des choses de la terre ouvre sur le mystère de Dieu et sur l'espérance d'un avenir pour les générations futures.

P. Martin Neyt,OSB
Président de l'AIM.

Daniel Richard, président du WWF-France :

" Au WWF, nous sommes très sensibles à l'évolution des monastères. Car, il y a quelques siècles, les monastères étaient des exemples dans les villages et les villes. A cette époque-là, ils défrichaient et ils asséchaient, ce qui n'est plus un acte écologique aujourd'hui où il faut faire l'inverse.... Ce que nous cherchons, par notre expertise et par notre passion, c'est trouver quelques points de référence de développement durable, pour que le monastère lui-même soit une image de développement durable dans le lieu, les populations et la région dans lequel le monastère est implanté ".

Actes du colloque écologie et spiritualités, p.17.