Le dernier numéro du Bulletin pour l’année 2000 devait donner un aperçu de la vie des monastères à la fin du vingtième siècle. Le numéro spécial du Congrès des Abbés bénédictins (n°70) a passé en priorité. Nous avons cependant conservé pour le premier numéro du troisème millénaire certains extraits de chroniques devenues déjà anciennes, relatant des événements importants pour les communautés. Cherchant à donner chaque fois que c’est possible des échos de l’actualité, le Bulletin a tout autant le souci de conserver la mémoire de ce que vivent les monastères. On trouvera donc ici, ainsi que dans la rubrique «Monastères dans l’Église et la Société», des échos d’importance et de nature variées venus des divers continents (NDLR).

 

AFRIQUE

Cameroun

Rencontre annuelle des Supérieurs monastiques – Koutaba – 3-6 avril 2000

Étaient présents à cette réunion : Mère Anne, du monastère d’Obout ; Mère Joséphine, de Babete ; P. René,

délégué de P. Gérard du Mont-Fébé et P. Germain, de Koutaba. dom Charles, de Bamenda, était empêché à cause de la retraite annuelle de sa communauté qui avait lieu juste à ce moment-là. Invitée : Mère Rolande-Marie, op, monastère Saint-Dominique de Douala.

L’objectif poursuivi au cours de notre rencontre à Koutaba n’était autre que celui que nous avons choisi ensemble il y a cinq ans : apprendre à nous connaître, découvrir et apprécier nos différentes traditions monastiques en mettant en valeur ce que nous avons de commun en tant que familles monastiques issues de saint Benoît. Une telle reconnaissance mutuelle devait normalement se traduire par une solidarité pratique et vécue, tout particulièrement dans le domaine de la formation des jeunes (partage de nos ressources et de nos pauvretés) et aussi dans le domaine de l’entraide mutuelle vécue sous l’angle du dialogue et de l’échange sur notre expérience pastorale en communauté : comment accompagnons-nous la communauté et les personnes dans leur processus de croissance au milieu des défis, des difficultés mais aussi des signes d’espérance que porte chaque communauté ?

Notre réflexion pendant deux journées et demie portait sur la situation actuelle de nos communautés respectives, la formation et ses exigences, le discernement des vocations et l’accompagnement des jeunes avant leur entrée au monastère, l’économie de nos monastères et ses défis. La dernière demi-journée nous a permis de poursuivre notre réflexion sur certains projets et réalisations communs aux quatre monastères.

Même s’il n’y a pas eu un rapport en tant que tel sur chaque maison, l’écoute de chaque responsable nous a permis de découvrir la grâce propre à chaque communauté, l’action de l’Esprit de Dieu dans la vie des frères et des sœurs et cela, à travers leurs limites… et les nôtres ! Bonne expérience qui redonne confiance et courage. Il n’y a de solution idéale nulle part, mais nous sommes tous en route. La conversion et la croissance des personnes sont toujours possibles. La présence de Mère Rolande-Marie, même si elle n’a été que d’une matinée, a été très appréciée. L’expérience qu’elle nous a partagée rejoignait la nôtre.

La formation

La question de la formation dans son ensemble a particulièrement retenu notre attention. La formation initiale avant et après l’entrée au monastère nécessite davantage engagement et soin de la part de la communauté qui accueille. L’étape préparatoire à l’entrée dans la communauté est une période qui requiert un accompagnement régulier et attentif. Le résultat d’un tel encadrement est positif et perceptible dans l’une ou l’autre communauté. Un candidat mûr et adulte sur le plan spirituel et humain participe à la maturation d’ensemble d’une communauté. Il importe de prendre le temps de connaître les jeunes par des séjours répétés à l’accueil ou même à l’intérieur de la communauté. Avant l’entrée, insister sur l’accompagnement spirituel avec un religieux ou une religieuse sûrs. C’est cette personne qui doit normalement établir une lettre de recommandation au monastère quand bien même le candidat y serait déjà connu de longue date. Pendant la période préparatoire à l’entrée, il est utile d’orienter le jeune dans une expérience du don de lui-même et du service des autres dans quelque mouvement d’action catholique ou dans une organisation à but caritatif quelconque. Il est important que le jeune fasse l’expérience du travail ou tout au moins l’expérience de la dureté des conditions de vie de notre société avant son admission au postulat. Le jeune ainsi aguerri éviterait mieux la tentation de l’immédiateté et de la facilité qu’offre le monastère. Il est aussi très instructif pour les responsables de la formation de connaître le milieu familial du candidat, de préférence en allant jusqu’à son village ; tenir compte de tous ces éléments permet d’espérer une formation qui ait des chances d’aboutir à un engagement généreux dans la communauté. Les expériences des uns et des autres là-dessus sont éclairantes.

La formation pendant le noviciat est très exigeante pour nos petites communautés où l’essentiel des forces vives est engagé dans des questions matérielles et le service de gagne-pain de la communauté. On remarque aussi que le nombre du personnel formé est encore limité. Conscients de cette difficulté, nous avons mis en route des sessions d’Internoviciat monastiques, encouragés pour cela par nos sœurs Lazare et Marie-Philippe travaillant dans le cadre de l’AIM ; même si les Supérieurs de nos monastères continuent d’encourager ces Internoviciats monastiques, il faut bien reconnaître que ces rencontres de novices ont besoin d’être redynamisées actuellement, par suite de changements des Pères-maîtres et des Mères-maîtresses presque partout. L’inégale répartition des novices dans les quatre noviciats (les deux noviciats des sœurs n’ont pas de jeunes actuellement) constitue une difficulté supplémentaire.

La classe qui est quelque peu oubliée est celle des jeunes profès et professes. La question des sessions des jeunes profès s’est pourtant posée au moment même de la création des Internoviciats monastiques il y a 5 ans. La question devient urgente actuellement. Car il y a des jeunes profès(ses) dans chacune de nos communautés. Que pouvons-nous leur offrir tout en tenant compte des différents besoins liés aux personnes et aux communautés ? Actuellement, la manière de faire diffère d’une communauté à l’autre, les moines ayant tendance à envoyer pour une formation à l’extérieur après le noviciat. Quoi qu’il en soit, il semble bénéfique et souhaitable d’organiser une session annuelle pour les jeunes profès, sur un thème monastique scripturaire ou patristique susceptible d’apporter une nourriture à chacun et chacune, quel que soit son programme personnel de formation. Notre désir actuel s’oriente vers un monastère d’Afrique qui accepterait de nous envoyer un moine ou une moniale pour animer cette première session de jeunes moines et moniales.

Vie économique

Nous avons aussi partagé sur la vie économique de nos communautés. Des situations plutôt difficiles, tributaires de la crise économique nationale et du délabrement progressif du niveau de vie de nos populations. Le marché local absorbe difficilement nos produits. Le fait que nous produisions presque tous les mêmes choses, la confiture par exemple, complique la situation. Nous sentons la nécessité de diversifier nos produits monastiques d’une part, et d’établir des échanges de nos produits d’autre part. Accepter de commercialiser des produits des autres monastères sur la base d’une entente avec chaque communauté fait partie de cette entraide que nous avons voulue au début de nos rencontres. Koutaba pour sa part est à même de vendre les produits des autres monastères dans sa boutique établie sur l’axe lourd Bafoussam-Foumban.

Projets communs

Notre projet de publier une brochure sur la vie monastique au Cameroun avance bien. Mère Anne d’Obout coordonne ce projet. Les frais qui découleront de cette publication seront normalement répartis entre nos communautés. Toujours dans le souci de nous faire connaître et de répondre à l’attente des jeunes qui se posent des questions sur la vie monastique, nous nous sommes mis d’accord pour réaliser une vidéocassette sur nos différents monastères en privilégiant surtout l’image par rapport au texte. Cette cassette servirait de complément à la brochure de présentation de la vie monastique et constituerait aussi notre réalisation commune en cette année jubilaire.      m

P. Germain, ocso, Koutaba
Secrétaire




Sénégal

Bénédiction abbatiale à Keur Moussa

Le 17 mars, le Père Philippe de Ribes notifiait l’acceptation par le Père Abbé de Solesmes de sa démission de la charge abbatiale. Supérieur de la fondation de Solesmes au Sénégal, Prieur conventuel, puis Abbé en 1984, il pouvait voir dans l’accession à la charge abbatiale d’un de ses moines sénégalais l’aboutissement de cette œuvre d’implantation de la vie bénédictine commencée en 1961. Le Père Abbé de Solesmes présidant l’élection, le F. Ange-Marie Niouky est élu le 8 mai : 2e Abbé de Keur Moussa, premier Abbé africain de la Congrégation, premier Abbé sénégalais et premier dignitaire ecclésiastique de son ethnie mancagne : un événement ! La bénédiction abbatiale est fixée au samedi 1er juillet qui se trouve être cette année la fête du Cœur immaculé de Marie, fête patronale du monastère.

Né en 1947, le F. Ange-Marie Niouky a passé sa jeunesse en Casamance, recevant sa première formation religieuse chez les Frères du Sacré-Cœur, où il se familiarisa au travail du fer et du bois ! Entré au monastère le 4 novembre 1970, profès en 1973, il est ordonné prêtre en 1985. Il a passé deux années de perfectionnement théologique à Rimont chez les Frères de Saint-Jean, et a pu circuler pas mal en France où il s’est fait beaucoup d’amis. Pèlerin en Terre Sainte en 1985, il a participé à un voyage d’étude chez les moines coptes d’Égypte. Chargé du noviciat depuis 1992, il a beaucoup œuvré pour faire connaître et aimer la vie monastique aux jeunes chrétiens, et à ce titre participa aux sessions de formateurs, tant au Sénégal qu’en Afrique francophone de l’Ouest.

La préparation de la célébration a bénéficié – cela va de soi – de la participation de tous les moines, selon leurs talents, et de la collaboration très active de l’ASES (Association Service Église Sénégal), du village Saint-Benoît, de l’association des amis du monastère, d’un comité formé à Dakar par les Mancagnes, avec malgré tout l’inconnu du nombre des « invités-sans-carte », notamment de Mancagnes de Casamance, des environs, de la capitale.

La célébration

L’Oratoire étant beaucoup trop exigu, tout s’est déroulé à l’extérieur : un grand podium surélevé permettait à tout le monde de suivre le déroulement des cérémonies, et un immense vélum protégeait des ardeurs du soleil de « juillet ». Mgr Augustin Sagna, Évêque émérite de Ziguinchor (Casamance) présidait la fonction, avec une voix bien timbrée et une chaude éloquence pastorale, entouré du Nonce Apostolique, de Mgr Jacques Sarr, notre Évêque qui a lu le message du Saint-Père, et du nouvel Évêque, Mgr Jean Pierre Bassène.

Les Abbés africains de Koubri (Burkina-Fasso) et de Dzogbegan (Togo), un représentant du Mont-Fébé (Cameroun) étaient venus ainsi que les Abbés de la Congrégation, entourant le Père Abbé de Solesmes : celui de Vaals (Hollande), celui de Clervaux (Luxembourg) et de Kergonan (France), avec une couronne d’une quarantaine de concélébrants, de religieux et religieuses de toutes les couleurs. Parmi les personnages officiels : trois ministres et le représentant du premier ministre, les ambassadeurs de France, Grande-Bretagne et Pologne, le Gouverneur de la région, des officiers généraux. Deux mille places assises « occupées ! » et un millier de gens debout – pendant trois heures et demie ! priant, chantant, applaudissant, riant à l’occasion : la foule africaine sensible et enthousiaste.

Certaines lectures et monitions étaient doublées en mancagne ; plusieurs chants avaient été composés pour la circonstance. La chorale de Thiès apportait son concours ainsi que nos instrumentistes, à la kora, au balafon, au tam-tam. Avant la bénédiction finale, c’est le moment des hommages et témoignages : une bonne heure d’interventions oratoires, coupées d’applaudissements et parfois de rires.

Immédiatement après, suit la réception des personnalités : officiels, notables, amis, invités divers, au vaste parc de l’hôtellerie extérieure, réception « contrôlée » par une escouade de gendarmes bons-enfants. Une antenne médicale tenue par nos amis les Frères de Saint-Jean-de-Dieu assurait de leur côté un autre contrôle. Ils n’eurent heureusement pas à intervenir trop souvent. Sur le terrain les Mancagnes donnèrent un numéro très apprécié et pittoresque de leurs danses. Bref c’était la fête, dont la sonnerie des 2e vêpres de la fête patronale du Cœur Immaculé de Marie amena la clôture, tardive, vers 20h. Quod Deus vult, per Mariam – Ce que Dieu veut, je le veux, par Marie : c’est la devise choisie par notre Père Abbé. Il faut l’aider à la réaliser, pour lui et pour ses moines.

 

Afrique du Sud

Inkamana (bénédictines)

En janvier 2001 le prieuré des sœurs bénédictines de Tutzing à Inkamana va fermer parce

qu’il reste seulement quelques sœurs relativement âgées. Ce sera un jour bien triste pour l’abbaye d’Inkamana. Les sœurs de Tutzing sont arrivées en Afrique du Sud avant les moines de la Congrégation de St.-Ottilien. Elles avaient été sollicitées pour seconder les bénédictins belges arrivés en Afrique du Sud en 1914 dans leur œuvre missionnaire ; mais ce plan n’a jamais été réalisé. Donc quand les moines de St.-Ottilien sont arrivés à Inkamana, en 1922, les sœurs ont accepté avec joie l’invitation à collaborer, d’autant qu’elles avaient déjà fait l’expérience d’un travail missionnaire ensemble, en Afrique de l’Est. Elles sont venues à Inkamana et dans la mission des Zoulous très vite après les moines. Elles ont beaucoup œuvré à la croissance de l’Église et au développement du pays et du peuple zoulou. Pas seulement strictement au niveau missionnaire : leur dévouement et leur compétence sont à l’origine de trois grands hôpitaux, plusieurs petites cliniques, deux lycées et beaucoup d’écoles primaires. Elles ont aidé les moines en mission, en travaillant dans les fermes, les jardins, les maisons. À Inkamana même il eût été impossible sans elles d’ouvrir et de développer l’école qui est maintenant le lycée d’Inkamana, réputé, reconnu l’un des meilleurs lieux de formation du pays. Nous avons bien des raisons d’exprimer notre gratitude aux sœurs de Tutzing !

Extrait d’une Lettre de l’Abbé Gernot Wottawah, osb



AMÉRIQUE DU SUD

Voyage en Argentine23 octobre – 14 novembre 2000

« Le vent souffle du Nord : il fera chaud ! » Une telle affirmation peut surprendre un Nordique. Tel a été mon cas, durant ma récente visite de 10 monastères situés en Argentine. Il faut avouer que la chaleur n’a pas toujours été au rendez-vous. Bien que la saison devait être favorable, il a aussi beaucoup plu. Cette pluie qui s’acharne sur le Cône Sud en cette période des semailles ne favorise pas l’économie du pays, déjà faible depuis des années en raison principalement d’une politique inadéquate. Nos monastères en souffrent, non que tous aient de grandes cultures ou de grandes superficies pour l’élevage, comme il est commun dans ce pays, mais parce que les produits artisanaux que beaucoup fabriquent ne se vendent pas aussi bien qu’auparavant. Tous les monastères visités, sauf un, font partie de la Congrégation bénédictine qui prend son nom de la forme du continent : la Congrégation du Cono-Sur.
 
Victoria
 
Lors de mon arrivée à Buenos Aires, les moniales de Victoria m’ont reçu à bras ouverts. Cette communauté est nombreuse et dynamique. En 1965, seulement 24 ans après avoir été fondée, Victoria fondait à son tour en Uruguay, et coup sur coup, entre 1977 et 1979, donc en seulement 3 ans, elle entreprenait 3 autres fondations cette fois en Argentine. Ce monastère témoigne que, lorsque les conditions sont réunies, fonder est source de dynamisme pour la maison fondatrice. Je suis bien convaincu qu’il pourrait se lancer à nouveau dans cette belle aventure. Deux jeunes y ont fait récemment profession solennelle. Étant situé à proximité de la ville de Buenos Aires, il fait généreusement profiter moines et moniales de son hospitalité.
El Siambón
L’Argentine est un vaste pays. Il m’a fallu remettre plusieurs fois sur le métier mon itinéraire de voyage avant de trouver celui qui me permettrait de visiter le plus de monastères dans le court temps dont je disposais. Suivant le plan remis en question dans la matinée, j’ai pris l’avion, le soir du même jour, pour Tucumán, capitale de cette région de la partie Nord du pays où se trouve El Siambón, monastère fondé en 1956 par Niño Dios. Des jeunes garçons se sont joints récemment à cette communauté qui pourrait ainsi, avec le temps et la grâce de Dieu, retrouver ses forces vives d’autrefois. L’Office divin est priant et célébré dans une belle église. La pluie qui, durant mon séjour, est tombée presque sans arrêt m’a permis d’accorder du temps à l’étude de l’espagnol. Ce n’est que la journée de mon départ que j’ai pu admirer la beauté du site qui invite à une vie calme et contemplative.
 
Santiago del Estero
 
Des basses montagnes de la sierra, je passais ensuite à la plaine de Santiago del Estero, renommée pour son soleil et sa chaleur. Dans la capitale de la région se trouve la communauté des moniales bénédictines fondée en 1965 par le monastère de Olzai, aujourd’hui à Lodine, Sardaigne, Italie. Ce monastère n’appartient pas à la Congrégation du Cono Sur. Quatre moniales, des 9 membres de cette sympathique communauté vouée à la cause de l’Unité chrétienne, sont italiennes. Vue de l’extérieur l’église, en raison de sa coupole, rappelle les petites églises que l’on voit en Grèce. Le cloître entoure un magnifique jardin qui était tout baigné de soleil. Les moniales fabriquent les hosties pour le besoin de nombreuses paroisses.
 
San Agustín
 
Plus au sud, dans la région de Córdoba, se trouvent deux monastères, l’un de moines, l’autre de moniales. La communauté des moines de San Agustín, fondée par El Siambón en 1976, est jeune. Le lieu est retiré, plutôt aride et austère, mais d’une grande beauté. Les adeptes du New Age croient qu’il rayonne d’énergies spéciales. Le ciel est limpide et le P. Prieur a pu m’indiquer dans le ciel la Croix du Sud. Les récentes constructions témoignent du soin des moines et des architectes à respecter le site. La construction de l’église vient tout juste de débuter. Outre l’élevage de bovins, les moines ont fondé un atelier de restauration des livres anciens, le premier et toujours le seul d’Argentine. La proximité avec la ville la plus ancienne du pays explique ce choix d’activité. Dans ce continent si jeune, les autres villes du pays n’ont tout simplement pas de livres anciens.
 
San Antonio de Arredondo
 
À une heure et demie de voiture, à San Antonio de Arredondo, se trouve le monastère des moniales fondé en 1979. Comme celui des moines, dédié à « Notre-Dame de la Paix », ainsi celui des moniales, dont le vocable est Gozo de María, Gaudium Mariae, porte merveilleusement bien son nom. Une joie sincère et franche y règne. Comme dans la plupart des monastères de moniales, on trouve l’ordre et la propreté. La sœur jumelle de la nouvelle Mère Abbesse, récemment élue, est également moniale dans cette communauté. Je dois avouer que, pour quelqu’un de l’extérieur, la croix pectorale joue un rôle essentiel pour l’identification de la Supérieure de ce monastère. En la fête de Tous les Saints, l’Abbesse avait invité les trois sœurs de la Congrégation de Tutzing – une Argentine, une Brésilienne et une Coréenne – qui possèdent un petit monastère à Ucacha, pas très loin de Córdoba. Âgée seulement de 21 ans, cette abbaye a déjà fondé un autre monastère lui-même déjà indépendant.
 
Rafaela
 
Un autre monastère fondé par l’abbaye de Victoria en 1978 se trouve à Rafaela, dans la province de Santa Fe. Les moniales avaient reçu en don du diocèse une ancienne maison de retraite qu’elles ont adaptée tant bien que mal à leurs besoins. Une chapelle temporaire a été construite, tandis que l’église, dont le gros œuvre est terminé, doit recevoir encore sa finition intérieure. L’architecte prévoit aussi des aménagements à l’extérieur pour unifier le tout. L’emplacement est assez près d’une route très fréquentée par les poids lourds. Vu que Noël approchait, des moniales fabriquaient les figurines de la crèche pour la vente au public. Elles ont également un atelier de paramenti­que et fabriquent des hosties. Les moniales sont très dévouées à l’égard des prêtres du diocèse.
 
Aldéa María Luisa
 
Situé près de Aldéa María Luisa, dans un lieu cette fois éloigné de toute circulation lourde, le monastère dédié à Notre-Dame du Paranà et fondé par les moniales de San Antonio de Arredondo en 1987, est indépendant depuis déjà 3 ans. La terre y est plutôt ingrate de sorte que les arbres plantés par les moniales ont de la peine à croître ou même, tout simplement, à survivre. Ce qui donne d’admirer de magnifiques paysages qui s’étendent jusqu’à l’horizon. Comme dans presque tous les monastères visités, les moniales fabriquent des conserves et des gelées de fruits, ainsi que le fameux dulce de leche qui sert à orner toutes sortes de tartines. Ici aussi des constructions sont en cours car il faut aménager des chambres de l’hôtellerie avant d’entreprendre la construction de cellules additionnelles pour la communauté. Tous les samedis, les enfants des familles des environs, presque tous blonds car descendants d’immigrés russes et allemands, viennent au monastère pour être catéchisés par les sœurs.
 
Niño Dios
 
Poursuivant mon chemin vers le Sud-Est, j’ai ensuite été reçu à l’abbaye de Niño Dios, premier monastère bénédictin fondé en Amérique hispanophone. C’était en 1899. Depuis lors, quelque 150 monastères suivant la Règle de saint Benoît ont été fondés sur ce continent. L’approche des fêtes du centenaire a permis aux moines de terminer leur église abbatiale. Elle est remarquable de beauté et de simplicité. Par contre, les édifices où vit la communauté sont d’un autre style et témoignent d’une époque où les moines étaient plus nombreux. Ceux-ci ont cependant conservé, dans la mesure du possible, certaines des activités au service de la population locale qu’ils avaient développées au fil des temps, notamment dans le domaine de l’enseignement. Un petit musée témoigne de l’histoire de ce monastère.
 
Luján
 
Pour parvenir à Luján, j’ai dû laisser la Province nommée Entre-Rios et donc traverser de nouveau le célèbre fleuve Paraná. C’est à Luján que se trouve maintenant la communauté fondée dans la ville de Buenos Aires en 1916 par l’abbaye de Silos, Espagne. En 1987, les moines ont laissé inachevés une majestueuse église et un immense cloître pour venir vivre la vie monastique près du plus grand sanctuaire marial d’Argentine. La minuscule effigie de la Vierge qui y est vénérée forme un contraste étonnant avec la grandeur de l’église. Comme dans tous les monastères, la vie des moines est simple et centrée sur l’Office divin. Un travail original est celui de la culture et de l’élevage du lombric de terre en vue de la production de fumier écologique. Ici, nous sommes dans la pampa.
 
Los Toldos
 
Le dernier monastère visité a été Los Toldos, fondé en 1948 et situé aussi dans la « pampa ». La pampa est une région plate et on en distingue deux sortes. La pampa sèche, car située dans une région où il ne pleut guère, et la pampa humide. En raison des nombreuses pluies des derniers temps, on qualifiait la pampa de la région de Los Toldos, située dans une pampa húmeda, de inundada, c’est-à-dire inondée. Lorsque j’y suis arrivé, j’ai été aimablement accueilli par le Père Abbé Président de la Congrégation et un frère malade, car la communauté était partie rendre visite aux moines cisterciens trappistes et aux moniales qui se trouvent à 400 kilomètres plus à l’Est, à Azul et Hinojo. Le monastère est d’un seul étage, entouré d’une petite forêt plantée par les moines eux-mêmes : une oasis d’arbres isolée, dans un paysage qui n’en comporte pas, mais que les oiseaux apprécient. L’école agricole, fondée par les moines, fête cette année son cinquantenaire. Un moine suisse, originaire d’Einsiedeln, s’est beaucoup intéressé aux tribus autochtones de la région et a monté un musée très instructif. Los Toldos désigne en effet les tentes des Indiens. Signe des temps, un moine fait de la direction spirituelle par courrier électronique.
 
Une grande diversité règne dans ces monastères. Elle est due d’abord à leurs différences d’origine : le premier monastère fondé en Argentine, Niño Dios, l’a été par l’abbaye française de Belloc en 1899. Vinrent ensuite, en 1916, les moines espagnols de Silos qui s’établirent à Buenos Aires. Ce fut ensuite le tour des moniales de São Paulo au Brésil qui avaient été formées par les moniales de Stanbrook en Angleterre à venir fonder à Victoria en 1941. Les moines d’Einsiedeln en Suisse fondèrent Los Toldos en 1948, tandis que les moniales de Sardaigne en Italie allaient s’établir à Santiago del Estero en 1965. La Congrégation de Tutzing a agrégé en 1994 les sœurs du Monasterio de la Epifanía qui se trouvait à Buenos Aires. Une telle diversité d’origine a causé une diversité de traditions, d’ailleurs à l’image de la diversité d’origine du peuple argentin. Mais la diversité se constate aussi entre les fondations et les maisons fondatrices, ce qui témoigne d’un bel esprit de maturité.
 
Ce pluralisme ne va pas à l’encontre de l’unité de la Congrégation du Cono-Sur. Collaboration et entraide fraternelle existent entre les monastères. Aussi bien les événements moins heureux que les célébrations joyeuses sont des occasions de visites mutuelles. Les relations sont nombreuses. On se connaît ici peut-être plus qu’entre les monastères de bien d’autres pays. En quittant l’Argentine, il m’est venu à l’esprit que j’avais rencontré, réalisée, l’AIM, l’Alliance Inter-Monastères. Les monastères sont aussi bien insérés dans les Églises locales, comme en témoignent les excellentes relations qu’ils entretiennent avec le clergé local et la contribution qu’ils apportent à la pastorale diocésaine.
 
Il existe en Argentine 3 monastères que je n’ai pas pu visiter faute de temps : celui des moniales bénédictines de San Luis près de la Cordillère des Andes, et les 2 monastères cisterciens trappistes de Azul et de Hinojo. Ce sera pour une prochaine occasion si Dios quiere, si Dieu le veut.
 
Jacques Côté, osb
Secrétaire général
 

Argentine
 
Azul Nuestra Señora de los Angeles (cisterciens)
 
C’était en 1958. Azul fut le premier monastère fondé en Amérique Latine et aux Caraïbes, situé le plus au Sud du monde avec Kopua, en Nouvelle Zélande, qui avait été fondé quatre ans auparavant par La Melleraye.
 
Après quarante ans, nous sommes treize monastères et formons la Región Mixta Latinoamericana : la RE.MI.LA.
 
Une petite communauté, école de charité laborieuse accueillant des personnalités fortes et complémentaires. Nous ne pouvons pas passer sous silence le souvenir de notre fondateur et travailleur infatigable, le P. Gérard Bourke (†1990) et les trois autres frères qui reposent au cimetière : F. Roland Gendreau (†1980), dom Edmond Futterer (†1984) et F. Gilbert Moreau (†1996).
 
Au cours des années, avec les ombres et lumières propres aux pèlerins qui se hâtent vers la Pâque éternelle, une spiritualité emplie d’amour et marquée par la Règle de saint Benoît, selon le charisme propre de la vie cistercienne, dans ce « désert contemplatif » – mais nous jouissons d’un emplacement privilégié, dans la pampa humide de l’Argentine. Nous sommes conscients de notre rôle de « frère aîné » et de la responsabilité qui nous incombe, de faire germer la vie cistercienne dans la culture et la religiosité latino-américaines.
 
El Siambón Abbaye de Cristo Rey, (bénédictins)
 
Bénédiction abbatiale
 
Le 29 juillet 2000 marque une étape nouvelle et pleine de promesses dans la vie de notre communauté monastique de Cristo Rey, avec la bénédiction abbatiale du P. Benito Veronesi, élu Abbé le 29 avril précédent.
 
La préparation d’un tel événement était un vrai défi pour notre communauté ; nous sommes peu nombreux et il fallait prévoir l’accueil d’une grande foule, les amis du monastère qui ne manquent pas de partager les grands moments de notre vie de communauté. De plus, le nouvel Abbé avait une relation particulière, depuis 1977, avec le mouvement Puente (« le Pont »), une organisation privée de retraités fondée dans l’archidiocèse de Tucumán.
 
Le jour de la bénédiction abbatiale, plus de 800 personnes étaient venues de partout pour prier avec nous. L’église abbatiale ne pouvant accueillir tant de monde, on avait placé dans l’ancien réfectoire un gigantesque écran de télévision.
 
En plus des quelque 40 membres de la famille de l’Abbé Benito, il y avait des représentants de tous les monastères d’Argentine et des pays voisins ; étaient venus aussi beaucoup de voisins de El Siambón qui ont partagé depuis le début l’histoire de notre monastère et de nombreux amis qui, tout au long de ces 44 années de fondation, n’ont jamais cessé de nous proposer leur soutien ; beaucoup de religieux, religieuses et prêtres de l’archidiocèse et des diocèses voisins étaient là aussi, présence très appréciée, sous la houlette de Mgr Marcelo Palentini, Évêque de Jujuy.
 
Notre Archevêque Mgr Luis Villaplana présidait l’Eucharistie. À l’homélie il a souligné la mission de Père qui revient à l’Abbé au milieu de la famille monastique ; il a cité et commenté en souriant des passages de la Règle de saint Benoît, avec autant de profondeur que de simplicité.
 
Ceux qui connaissent l’Abbé, depuis son plus jeune âge comme oblat, ont été particulièrement émus de le voir recevoir des mains de l’Évêque le bâton de Pasteur, tandis que de l’intime du cœur s’élevait une prière demandant à Dieu d’illuminer nos chemins sous la conduite de l’Abbé Benito.
 
À la fin de la cérémonie, on échangea des cadeaux dans le vaste bâtiment du mouvement « Puente » en face du monastère et un lunch scella tant de fraternité manifestée d’un cœur sincère. La journée se termina dans une profonde action de grâces pour tant de bienfaits dispensés par le Seigneur sur notre communauté.

 
Brésil
 
Prieuré d’Olinda (bénédictines missionnaires de Tutzing)
 
Une missionnaire sans frontières
Notre jeune, Sr Suelene Gomes de Matos, a accepté l’appel du Seigneur à se rendre à Mengongue, en Angola. L’envoi solennel eut lieu à la messe du 27 février 2000. La cérémonie se déroula après la lecture de l’Évangile, à la place du Credo et de la Prière universelle. L’église était comble ; on remarquait dans l’assemblée un groupe de jeunes des “favelas” avec lesquels Sr Suelene avait travaillé pendant son noviciat. Le départ pour l’Angola est fixé au 5 mars. Notre Prieure aura ce même jour la joie de recevoir deux jeunes Angolaises : Sr Catarina Mutango et Sr Helene Kachigo.
 
Arrivée de la missionnaire allemande Sr Walburga Maria Volkhausen
Nous avons eu la grande joie d’accueillir le 22 janvier à l’aéroport de Recife Sr Walburga Maria Volkhau­sen, envoyée par l’Allemagne. Surprise et visiblement émue, elle se vit entourée d’un bon groupe de meninos, des enfants de la rue, qui lui offrirent un grand bouquet de fleurs. En réalité ce ne sont pas à proprement parler des enfants de la rue, parce qu’ils ont trouvé une maison à la « Casa Oasis », oasis construite pour eux il y a cinq ans à l’initiative de Sr Werburga Schaffrath. Pour poursuivre son itinéraire de missionnaire, Sr « María », comme les enfants l’appellent – Walburga leur semble un nom bien compliqué – a trouvé au Brésil un nouveau champ d’action au Centre Social Sâo José del Monte où l’on s’occupe de quelques enfants de la rue que Sr Werburga a recueillis, c’est pour eux qu’elle a créé la maison de l’Oasis. Elle a acheté un petit terrain où les enfants peuvent prendre contact avec la terre, les plantes et s’occuper des animaux domestiques ; c’est pour eux un espace de croissance personnelle et d’insertion sociale.
 
« Do you speak English ? »
Notre Congrégation internationale a adopté l’anglais comme langue officielle. Il est toujours plus nécessaire aux sœurs de parler l’anglais. Il nous a semblé urgent que notre Mère Prieure Evamaria s’y remette, car elle a bien oublié cette pratique qui lui était habituelle pendant son service comme Conseillère générale à Rome. Elle a accepté l’invitation à se rendre aux USA – Madison-Wisconsin – pour prendre un cours d’anglais intensif. Elle y est allée avec Sr Rosamaria de Lira. Nous leur adressons all the best.
 
Spiritualité bénédictine pendant la Semaine Pédagogique
Nous avons ouvert notre Semaine Pédagogique au Collège du Sacré-Cœur de Caruaru en reprenant les mots de dom Helder Cámara : « Bien commencer est une grâce de Dieu, continuer sur le bon chemin est une grâce plus grande encore, mais la grâce des grâces c’est de ne jamais déserter. » Le 26 janvier portait sur la « Spiritualité bénédictine ».
 
Nous avions invité les professeurs, assistants, membres du secrétariat, employés, fonctionnaires et ouvriers d’autres secteurs. Sr Lidia de Cristo Leal a transmis avec beaucoup de joie et d’assurance comment mettre en pratique les « valeurs bénédictines »... Notre vie prend appui sur quatre colonnes : le dialogue, le témoignage, le service et l’annonce (de l’Évangile).
Dans le temps d’échange qui a suivi l’exposé, quelques professeurs ont noté la nécessité de la prière et de la méditation qui invitent à une conversion et à un renouvellement intérieur continuels. Connaître la vie intérieure et la mettre en rapport avec les « enseignements bénédictins » que nous pratiquons dans notre mission et notre travail d’éducation missionnaire.
« La spiritualité est le ressort qui donne de l’élan à notre vie. C’est la vie mystique qui habite chacune d’entre nous. » Il convient de laisser transparaître la spiritualité bénédictine à l’intérieur et à l’extérieur de l’environnement scolaire : « Voilà pourquoi nous devons construire une école du service du Seigneur » (RB, Prol).
 

Guatemala
 
Esquipulas Abbaye de Jésus Christ Crucifié, (bénédictins)
 
En cette Année jubilaire, les moines de Esquipulas ont vu leur communauté s’augmenter de nouveaux membres. Aux deuxièmes Vêpres de la Solennité de saint Benoît, le 11 juillet, les novices Luis Sagastume et Lorenzo Cardona ont prononcé leurs premiers vœux entre les mains du Père Abbé Gregorio. Ce même jour, à l’Eucharistie, F. Edgar René Martínez s’est engagé par les vœux solennels et perpétuels. Et la veille, au Chapitre, le postulant José Pedro Fernadez a été reçu par la communauté pour commencer son noviciat.
 
Nous nous réjouissons de voir combien le Seigneur bénit notre communauté en lui envoyant des vocations. La communauté compte actuellement 30 frères.
 
Pérou
 
Sechura Monastère du Sacré Cœur (bénédictines)
 
En cette Année jubilaire, nous, moniales contemplatives de Sechura, nous débordons de joie et de paix dans le Seigneur ; vivre sous le regard de Dieu et prier pour toute l’humanité, telle est notre mission et nous rendons grâces de ce don particulier que le Seigneur nous a fait. Nous aimerions partager avec vous tant de grâces, en suivant l’exemple de notre Mère fondatrice, Adèle Garnier, qui disait avec St Thomas : « Mieux vaut éclairer que d’être seulement une lampe ; il est plus noble de transmettre aux autres ce qu’on a contemplé que de s’adonner seulement à la contemplation. »
 
Voici les événements majeurs :
Le Nonce apostolique nous a fait parvenir l’ouvrage La Vie Consacrée. Nous avons souhaité nous unir à toutes les célébrations de l’Année jubilaire, et tout particulièrement au Jubilé de la Vie consacrée, le 2 février pour la fête de la Présentation du Seigneur. Pour mieux nous y préparer nous avons retenu trois idées forces de l’exhortation post-synodale :
 - la vocation-consécration,
 - la communion-œcuménisme,
 - la mission-témoignage, et martyre s’il se présente.
 
Trois temps de prière ont été aménagés :
 - une célébration d’action de grâces pour le don de la vocation, aux Vêpres du dimanche 30 janvier,
 - une célébration pénitentielle le lundi 31 janvier,
 - une adoration communautaire du Saint-Sacrement le 1er février.
 
Pendant ce triduum quelques oblates régulières, religieuses apostoliques, ont rendu grâces avec nous pour le don de la vocation et consécration en Église. La célébration a culminé le 2 février lors de la fête de la Présentation de Notre Seigneur au Temple. Le P. Pablo Alvorado, vicaire et Recteur du séminaire Jean-Marie Vianney, présida toutes ces célébrations.
 
Le 18 février nous avons eu pour trois jours la visite de Sr Marlene Bertke, osb, de l’AIM-USA.
 
Notre église semblait bien petite pour accueillir la foule venue partager la liturgie de la Semaine sainte. Les cérémonies furent présidées par notre curé, le R.P. Emilio Labán. Les trois lieux essentiels de la célébration de la Vigile : autel, cierge pascal et fontaine baptismale, étaient joliment ornés.
 
Le 9 avril, le P. José Uhen nous transmit une donation de Mr Riech, USA. Il s’agit de lances et tuyaux d’irrigation pour notre jardin dans le désert. Nous avons échangé des informations entre nos amis de Oklahoma et la paroisse, Piura et Sechura, une amitié solide et secourable.
 
Le 10 mai, les Srs Deysi et Sonia ont reçu le sacrement de confirmation, administré par le P. José Uhen, par délégation de notre Archevêque.
 
En la Fête du Sacré-Cœur nous avons renouvelé notre consécration au Seigneur.
 

Venezuela
 
Mérida Nuestra Señora de Los Andes, (cisterciens)
 
Le 8 décembre 1999, en la Solennité de l’Immaculée Conception, notre communauté est devenue autonome ; le même jour nous avons procédé à l’élection du premier Prieur titulaire, le P. Plácido Álvarez, qui était jusqu’alors Supérieur désigné de la fondation. Notre fondation remonte au 11 septembre 1987, par l’abbaye du Saint-Esprit, près d’Atlanta en Géorgie (USA). D’abord établie à Azulita, dans l’État de Mérida, la communauté s’est installée récemment près de Estanquez, dans le même État.
 
Pour célébrer avec solennité ce moment important, étaient venus : dom Bernard Johnson, Abbé du monastère du Saint-Esprit, et le P. Lino Doerner, Prieur titulaire du monastère Santa María de Miraflores, Chili – celui qui a charge de veiller actuellement sur notre communauté par délégation de l’Abbé de notre Maison Mère – ainsi que Mère Cristiana Piccardo, Abbesse du monastère N.D. de Coromoto, et Sr Anna, nos sœurs du Venezuela. Pendant la messe, dom Bernard a lu la cédule de l’érection en prieuré simple, formule canonique et approbation du Chapitre général. Sept frères ont fixé leur stabilité ici : cinq profès solennels et deux profès temporaires ; l’un d’entre eux, F. Mario, devait mourir rapidement après, le 20 février 2000 dans un accident. Nos voisins, nos amis et nos ouvriers ont largement participé à la fête. Mgr Baltasar Porras, notre Archevêque, nous rendit visite le soir même ; il nous accompagne avec une très vive sollicitude et délicatesse depuis les origines de la fondation.

LIVRE
 
La tradición benedictina en Guatemala : un camino de esperanza, 220 p., publié par le prieuré San José de Guetzaltenango, Guatemala.
 
Ce livre relate les origines et le développement de la vie monastique au Guatemala. Dans ce pays où l’on parle plusieurs langues et qui comprend beaucoup d’ethnies différentes, les difficultés n’ont pas manqué et depuis près de 40 ans d’expériences et de foi, les fils et filles de saint Benoît du Guatemala ont beaucoup à raconter.
 
D’une lecture agréable, le livre est une œuvre collective, chaque auteur ayant son style propre. L’histoire de chaque communauté bénédictine est relatée dans une première partie. Dans un second volet, thématique, sont présentés des sujets tels que la fraternité, l’obéissance, d’autres encore, dans une visée critique et optimiste.
 
Le titre voudrait montrer ce que signifie la présence bénédictine au Guatemala : au milieu de tant de vicissitudes l’esprit de saint Benoît a fermenté, dans le rayonnement des monastères il est une vie poussée par l’espérance en Dieu.

Pour de plus amples renseignements, contacter F. Bernado Jorge Jiménez, courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.



ASIE
 
Vietnam
 
Vitalité joyeuse et chaleureux accueil au Viêtnam
 
Martin NEYT, osb, Président de l’AIM
 
Une dernière inspection des bagages à l’aéroport de Saigon et les portes vitrées s’ouvrent automatiquement comme s’ouvrent les rideaux d’un théâtre pour une histoire neuve. Mr Christophe Mulliez, un ami des monastères, diacre marié, père de quatre enfants, et
moi-même suivons les passagers pour nous trouver devant un nombre considérable de personnes amassées derrière des barrières radars. Un panneau salvateur AIM nous guide vers le P. Jean Lam, Président de la Congrégation de la Sainte Famille, o.cist., le P. Beda, Prieur de Thien Phuoc, osb, Mr Huang, oblat dévoué qui nous aidera dans nos démarches, le P. Mark Butlin, osb, et de nombreux frères viêtnamiens. D’emblée, l’accueil est chaleureux et les voitures s’engagent dans Ho Chi Min-Ville, toujours appelée Saigon.
 
Une première impression nous enveloppe et ne nous quittera plus : un flot incessant de mobylettes, vélomoteurs, tricycles qui ne cessent de se suivre et de se dépasser. Le spectacle est fabuleux : mari , femme et deux enfants sur la même mobylette, des dizaines de poulets vivants attachés par les pieds, des T.V., paquets volumineux de toute espèce, tout est là sur deux roues dans un vacarme assourdissant. Tout cela dans une pollution dont les conducteurs, toujours sans casque, se protègent par des masques de gaze. Nos yeux se remplissent de ce spectacle fascinant aux couleurs vives : la vie pétillante des magasins, des marchés et des rues, l’incroyable miracle de carrefours où des centaines d’engins pétaradants démarrent ensemble, tournant et se croisant dans un jeu qui multiplierait par cent le spectacle du rond-point de l’Étoile à Paris aux heures de pointe. Une seule règle pour le piéton que nous avons été à certaines occasions : ne jamais hésiter, ne jamais faire marche arrière, car ces véhicules vous évitent parfaitement si vous ne faites pas de mouvement imprévu ! Saigon est parcourue par un million de véhicules, douze mille de plus chaque mois. Le marché japonais est bien présent dans l’Est asiatique.
 
Nous voici arrivés au monastère de Thien Phuoc où nous nous recueillons à la chapelle, confiant à Dieu cette belle aventure au service de l’AIM. Notre programme s’organise : visite des monastères bénédictins les premiers jours, puis visite aux cisterciens pour achever notre séjour par des journées bénies des ancêtres et de Dieu : la fête du Têt à laquelle déjà chacun se prépare. Nos journées suivront un rythme souvent pareil : prière à la chapelle avec la communauté, premiers contacts, repas festif et joyeux, bref repos après le dîner, conférence et longs échanges avec la communauté rencontrée, visite des lieux, des bâtiments , des ateliers de travail, des champs, des projets de développement, repas du soir et retour au guesthouse où nous logeons obligatoirement et où notre passeport est contrôlé par la police.
 
Nous entrons progressivement dans la vie de ces communautés priantes, courageuses, habitées par l’esprit de saint Benoît, marchant d’un cœur dilaté pour mieux connaître la tradition monastique, vivant du travail de leurs mains, aidant les groupes humains qui les environnent, entretenant des liens avec les bonzes et les bonzesses proches du monastère. Le monastère de Thien Phuoc sera notre première et dernière référence puisque nous y avons eu le bonheur et la grâce d’y vivre la fête du Têt avec la communauté. L’église, aérée, s’inscrit dans le style viêtnamien : architecture nette aux angles relevés en arrondi, sculptures du Christ et de la Vierge aux lignes sobres orientales contrastant avec d’autres figures plus occidentales aux allures sulpiciennes, le cœur vibrant transpercé par la souffrance, bouquets de fleurs très soignés, bâtons d’encens au début des célébrations. Les bâtiments de communauté sont dépouillés, les cellules simples, un lit de bois et une natte suffisent. Quelques rizières et quelques étangs leur donnent la subsistance quotidienne. La vitalité des moines et des moniales est impressionnante.
 
Les bénédictines de Thu Duc, guère éloignées de la ville, résident dans un lieu de verdure serein. L’accueil est là aussi chaleureux, la communauté a entonné un chant nouveau sur « le train de l’espérance » et de l’avenir. Dans ce partage fraternel, nous découvrons ce que les sœurs fondatrices de Vanves ont vécu, leur histoire mouvementée, leurs rapports avec les Pagodes voisines, leur vie d’aujourd’hui et leurs espérances. Petit à petit, de monastère en monastère, une joyeuse vitalité nous gagne et nous fait découvrir un accueil et une présence mutuelle qui se conjuguent avec des accents nouveaux empreints de courage, de volonté et de joie.
 
Cette impression se renforce quand nous visitons la communauté de Thien Binh sur la route de Bien Hoa vers Long Thanh, à quelque 90 kms de Saigon : extension du noviciat, travaux agricoles importants, tout nous impressionne et nous étonne. Le lendemain, bien avant l’aurore, je rejoins l’aéroport et m’envole pour Hué, à mille kilomètres plus au nord, remontant aux sources du monachisme bénédictin.
 
À Rio de Janeiro, le « Corcovado » domine toute la ville ; dans l’église abbatiale de Thien An, à Hué, un immense Christ ressuscité, taillé dans un bois pourpre, le plus noble au Viêtnam, rayonne secrètement sur la cinquantaine de moines en prière à quelques jours de la fête du Têt. Le P. Abbé Stéphane me fait visiter l’abbaye que je découvre d’abord du sommet de la tour aux sept toits superposés, rappelant les sept niveaux du paradis traditionnel. Une vaste forêt de pins enveloppe le monastère bâti sur une hauteur. Les bâtiments se déploient autour de l’église grandiose que prolonge l’hôtellerie surplombant des bois et un lac. Une réalité décisive marque l’évolution de la communauté : l’étonnante recrudescence des vocations. Thien An est un exemple significatif : 13 profès solennels, 3 prêtres, 20 profès temporaires, 9 novices, 11 postulants (passant deux ans au monastère !). À peine ai-je soigneusement noté ces chiffres que j’apprends qu’il y a eu le mois dernier plusieurs professions simples et qu’il y aura le 2 février deux professions solennelles. L’AIM aura du mal à ajuster ses statistiques au Viêtnam.
 
Ce matin, l’évêque de Hué et les religieuses du diocèse anticipent les festivités du Têt au monastère tandis que les postulants ont la permission de rejoindre leur famille. À 4h45, une voiture du monastère est venue me chercher à l’hôtel, résidence obligée des visiteurs, pour l’eucharistie qui débute à 5h. Dans l’homélie traduite, j’invite les moines à suivre saint Benoît, à « habiter en eux-mêmes » dans l’éveil et la compassion. Après la célébration et un déjeuner délicieux et original, deux moines vont me montrer deux pagodes célèbres, les palais royaux et la tombe de Tu-Duc.
 
Les Annamites n’ont jamais eu de vastes desseins de palais grandioses, probablement en dehors de leurs moyens. Mais leurs pagodes, les maisons basses sont décorées avec soin.
 
« Les arêtes de la toiture, les piliers de l’entrée, l’écran protecteur sont couverts d’ornements aux couleurs vives, même criardes, qui s’harmonisent cependant avec les teintes du paysage, avec l’éclat de la lumière1. »Ces couleurs et ces formes se retrouvent sur la façade de l’église du monastère et sur la tour adjacente. Mais nous voici au cœur de la ville, parcourue par la célèbre Rivière des Parfums.
« Toute grise, sans bruits, des monts bleus vers les sables,
emportant dans son flot les chants du sampanier,
la Rivière aux Parfums, sous les murs vénérables,
reflète le profil du royal Cavalier… »
Ou encore cet autre chant des sampaniers murmurant :
« Le soir, quand les ombres se couchent vers l’ouest,
La cloche de la Tour de la Dame céleste
retentit jusqu’au coq de Phosen, sur la rive opposée… »
 
Nous ne nous arrêterons pas à décrire la majesté hiératique de la Pagode Thien Mu du XVIIe siècle, ni l’immensité de la cité impériale, ni l’éclat inoubliable du tombeau de Tu-Duc où les méandres de la rivière se confondent avec les anneaux du dragon. La beauté poétique de la ville et du monastère enveloppés de brumes, comme un parfum d’encens montant vers le ciel, ne peut hélas faire oublier l’histoire tragique du monastère, de l’Église et du pays. Louis Malleret n’écrivait-il pas à propos des personnes :
« Je les ai aimés à cause de leur belle intelligence, de leur vivacité d’esprit…
Je les ai aimés à cause de leurs vertus morales…
Je les ai aimés à cause de leur caractère…
Je les ai aimés enfin à cause de leurs malheurs… »

Le Viêtnam avait connu ses martyrs et ses saints aux XVIIIe et XIXe siècles, bien au-delà des contingences politiques de l’époque. L’histoire des bénédictins n’a pas échappé, elle non plus, à la tourmente, à la suite des accords de Genève en 1954 qui scellaient la division du pays au dix-septième parallèle. Les chrétiens du Nord émigrent en foule vers le Sud. Le coup de force, lors de la fête du Têt Mau Than en 1968, force les moines à fuir leur monastère vers la ville. Deux moines français, égarés sur les routes, furent pris par des soldats et enterrés vivants. Les Américains bombardent le monastère qui subit de très lourds dégâts : la bibliothèque est brûlée, le monastère ravagé ; aujourd’hui encore les traces de balles sont inscrites sur les murs de la cuisine et du bâtiment central. Il faudra trente ans pour rebâtir et la tâche est loin d’être achevée. En 1972, l’offensive de l’été détermine les moines à fuir vers Saigon. Ils y laisseront quelques moines dans le quartier de Thu-Duc, origine de la fondation de Thien-Phuoc. En 1975, le 30 avril, c’est la « libération ». Les moines de Thien Hoa sont expulsés de leur monastère quatre ans plus tard (1979) et se réfugient dans une paroisse. Récemment, le gouvernement leur accorde cinq hectares de terre inculte pour y reconstruire leur monastère. Le monastère de Thien An possédait aussi des hectares de bois et une plantation de café… Il leur faut se reconvertir dans d’autres revenus.
 
Malgré ces aléas de l’histoire, la vitalité joyeuse des moines et du peuple viêtnamien en général surprend et émeut. Les moines bénédictins ont quatre monastères : Thien An (1940) fonde Thien Hoa (1962), Thien Binh (1969) et Thien Phuoc (1972). Les bénédictines à Thu-Duc, dans la grande banlieue de Saigon depuis 1967, viennent elles aussi des hauts plateaux (Ban-Me-Thuot, 1954). Partout les communautés sont florissantes. Cette remontée aux sources à Hué est hélas trop courte. Il me faut reprendre la route. Ce matin-là, un fort crachin recouvre la ville. Les moines m’embrassent chaleureusement tandis que l’eau s’égoutte des toits le long du cloître ; elle fait luire routes et rizières, elle brouille le pare-brise à travers lequel, fasciné, je regarde ces silhouettes aux chapeaux coniques, si raffinés à Hué et ces fléaux portés en équilibre, tendus par deux cordes supportant les denrées à vendre pour la fête du Têt. À l’aéroport de Saigon, je retrouve Christophe Mulliez, Mark Butlin, le P. Abbé Jean et ses moines et sans perdre un instant, nous allons à la découverte de la vie cistercienne.
 
La Congrégation cistercienne de la Sainte Famille, plus de 550 personnes, avec ses sept monastères sui juris dont trois abbayes Phuoc Son, Chau Son et Phuoc Ly, et quatre prieurés conventuels, Chau Thuy, Vinh Phuoc, Thien Phuoc et Fatima (en Suisse), ont pris pour nous un visage concret, humain, particulièrement chaleureux. La présence du P. Abbé Jean Lam, président de la Congrégation, y est pour beaucoup. Avec lui nous avons pu visiter nombre de communautés. Nous avons commencé par les deux grands monastères voisins de moines et de moniales : Phuoc Son et Vinh Phuoc, sur la route de Bien Hoa à Vung Tau. Les deux communautés impressionnent par leurs bâtiments, plus encore par la vitalité, la jeunesse et l’enthousiasme des vocations en formation. Que le Seigneur continue à les bénir et à les soutenir. Le service de l’AIM les soutiendra pour la formation, l’habitat et les projets économiques.
 
La vie des monastères se partage entre la prière, le travail et les études : le lever à 3h30, le coucher à 21h. L’Office, comme chez les bénédictins, est en langue viêtnamienne, selon les mélodies créés par des moines musiciens, tantôt inspirées des mélodies populaires, tantôt conservant les antiennes en grégorien. Les travaux sont principalement tournés vers l’agriculture, le jardinage, l’élevage (vaches, cochons, poissons), l’artisanat (reliure de livres…). Les communautés produisent suffisamment de riz pour la consommation annuelle à l’exception de Thien Phuoc et de Vinh Phuoc qui n’ont pas de rizières. Les moniales se consacrent à la broderie, à la confection d’ornements liturgiques et aux articles en bois laqué qui se vendent bien. La formation occupe une place importante ; quelques moines se forment aussi à l’Institut catholique de Paris et au Centre Sèvre. Ils résident à l’abbaye de la Source. Des publications en viêtnamien de textes spirituels se poursuivent d’année en année. Les contacts avec les moines et les moniales bouddhistes se développent à l’occasion de certaines fêtes liturgiques. Nous avons pu découvrir ainsi près de six de leurs communautés. La Congrégation de Lérins possède aussi une fondation à My Ca (Khank Hoa). Nous ne pouvions nous y rendre, mais il nous a été donné de rencontrer leur responsable en ville.
 
La fin de mon séjour se concentre sur Saigon. La fête du Têt suspend en quelque sorte toute la vie active pour permettre aux défunts de rejoindre trois jours le monde des vivants. Dans ce contexte, je l’ignorais, la présence de l’AIM était un signe fort de communication, de communion et de solidarité entre tous les monastères et plus encore, avec ceux qui nous ont engendré à cette manière de vivre l’Évangile et qui ont rejoint le Royaume du Père. Le P. Mark et moi-même, nous arrivons tard le soir de Vung Tau où nous avions partagé la journée avec deux communautés cisterciennes, les moniales de Thien Hai et les moines de Thien Phuoc. Le Père Beda, Prieur de Thien Phuoc, bénédictin, et ses frères se préparent pour la grande veillée : le nouvel an lunaire apporte la prospérité (spirituelle et en science divine), le bonheur (fraternel et céleste) et la longévité (en stabilité monastique)3. À la vigile de prière succède la messe de minuit suivie d’un moment festif avec la communauté. Chacun reçoit un verset de la Bible qui lui est destiné pour l’année ; chants, petits sketches, cadeaux et friandises achèvent cette entrée dans ce nouveau siècle. Nous sommes le 23 janvier !
 
Le lendemain, les visiteurs se succèdent pour souhaiter une année de bonheur au P. Prieur et à la communauté ; à notre tour, nous allons saluer une communauté voisine et l’après-midi, nous avons le privilège d’être reçu par l’archevêque de Saigon. L’entrevue empreinte de respect et de cordialité nous éclaire sur bien des choses qui nous avaient échappé et qui nous invitent au silence et à la prière. L’Esprit de Dieu conduit toute chose à sa guise …
 
Le soir, Mr Hoang nous entraîne, à vélo-moteur, sans casque, dans le brouhaha de la ville jusqu’à la grande pagode Vinh Nghiem, au cœur de la ville. En passant le porche d’entrée, entre des centaines de mobylettes garées l’une contre l’autre, j’imagine le Christ devant les pauvres et les indigents à l’entrée du temple de Jérusalem. Les étals des marchands de fleurs (ces célèbres fleurs jaunes Hoa-Mai, de la famille des prunus, qui éclosent à cette date et qui correspondent aux fleurs du cerisier dans la région d‘Hanoï), d’encens, d’oiseaux, de nourriture et de boissons se prolongent sur les escaliers qui conduisent au seuil de la pagode ; des bonzes guident la foule et s’empressent d’éteindre les milliers de bâtons d’encens qui louent les ancêtres. À l’intérieur, sous une fumée épaisse d’encens, une foule recueillie, priante et affairée honore ses défunts tandis qu’à l’extérieur, le son sourd du gong retentit régulièrement. L’univers bouddhiste s’ouvre à nous, plus profondément encore, c’est l’être humain face au mystère de la mort et de l’au-delà.
 
Pourrais-je jamais quitter ce pays sans y laisser une partie de mon cœur ? La communion entre les moines grandit et le service de l’AIM plus que jamais nous conforte dans la mission qui nous est confiée.
 
Congrégation Cistercienne de la Sainte Famille au Viêtnam
 
Jean Vuong Dinh LAM, o.cist., Abbé de Phuoc Son, Président de la Congrégation de la Sainte Famille
 
Rapport présenté au Chapitre général le 6 juillet 2000
 
Nos premiers mots sont une action de grâce. Après de longues années d’épreuves, grâce à la Divine Providence, notre Congrégation a pu non seulement subsister mais encore devenir ce qu’elle est actuellement, « gratia Dei est id quod est ! »
 
1. Nos monastères
 
Notre Congrégation compte actuellement 7 monastères sui juris, 3 abbayes : Phuoc Son, Chau Son, Phuoc Ly, et 4 prieurés conventuels : Chau Thuy, Vinh Phuoc (moniales), Thien Phuoc et Fatima.
 
Mentionnons de plus la maison de Chau Son nord, où seuls trois moines ont survécu à la guerre mais la communauté commence aujourd’hui à reprendre souffle ; la communauté de Phuoc Vinh qui dépend de Phuoc Son mais cherche à vaincre des difficultés pour devenir indépendante ; et deux communautés de moniales, Phuoc Hai et Phuoc Thien qui semblent pouvoir se développer à l’avenir.
 
L’incorporation pleno jure des moniales de Vinh Phuoc à notre Congrégation est pour nous un événement important.
 
2. Effectifs de nos monastères
 
Nos communautés s’accroissent depuis 1989. Nous le vivons comme une grâce, l’effet d’un nouveau souffle de l’Esprit ; mais cela entraîne des problèmes en différents domaines : formation, habitat, économie. La Providence nous viendra en aide, c’est notre espérance et notre assurance.
 
Nous sommes actuellement dans la Congrégation 163 moines dont 59 prêtres et 12 diacres, 31 moniales de vœux perpétuels, 129 profès et professes temporaires, 125 novices, 99 postulants et postulantes, soit au total 547 membres.

3. Activités de la Congrégation
 
Nos Constitutions ont été approuvées par le Saint-Siège le 24 juin 1998. Les Visites canoniques sont faites régulièrement. En juin 1999, l’Abbé général dom Mauro Esteva a fait la visite canonique de l’abbaye de Phuoc Son, maison de l’Abbé Président ; il a également visité l’abbaye de Phuoc Ly à la demande de cette communauté. Toutes les autres maisons de la Congrégation sont visitées par des Pères immédiats, tous les deux ans selon nos Constitutions.
 
Les Chapitres de la Congrégation se réunissent tous les deux ans pour faire le point sur chaque monastère et l’ensemble de la Congrégation. Le Conseil d’administration – l’Abbé Président et cinq membres élus par le Chapitre – se réunit chaque année pour préparer le Chapitre de la Congrégation et résoudre les problèmes urgents.
 
La journée monastique se partage entre prière, travail et études ; lever à 3h30 et coucher à 21 heures. L’Office est chanté en langue vernaculaire sur des mélodies créées par nos frères musiciens, combinant le chant grégorien et les mélodies sacrées populaires. Nos travaux principaux sont l’agriculture, le jardinage, l’élevage (vaches de lait, cochons, pisciculture) et l’artisanat, reliure etc. La production de riz est suffisante pour couvrir la consommation annuelle des communautés, sauf pour Thien Phuoc et Vinh Phuoc qui n’ont pas de rizières. Les moniales font de la broderie et confectionnent des ornements liturgiques et des articles laqués qui se vendent très bien. La fabrication des hosties leur convient très bien mais les machines leur manquent.
 
Dans la Congrégation nous avons créé depuis 10 ans des commissions pour la formation, la liturgie et le chant sacré, les usages et coutumiers, l’inculturation et le dialogue interreligieux. Ces commissions contribuent à réaliser un genre de vie monastique cistercienne et à unifier nos communautés.
 
Au niveau de la formation surtout, une aide entre monastères est vraiment nécessaire. Pendant l’année universitaire 1999-2000, 42 jeunes profès ont suivi un cours de philosophie en commun, pour 2000-2001 plus de 50 jeunes profès sont inscrits au programme d’études. 43 frères vont étudier la théologie à la maison d’études commune à plusieurs Ordres religieux à Hô Chi Minh-Ville. La commission de formation organise aussi des cours de recyclage et de formation permanente pour les responsables : abbés, prieurs, maîtres des novices, pour les profès de plus de 40 ans, pour les plus jeunes profès et pour les novices. Dans le cadre de la formation des formateurs, nos communautés ont pu envoyer à Paris 4 jeunes moines prêtres de Phuoc Son et de Chau Son et 1 moine de Thien Phuoc ; hébergés chez les bénédictins de la Source à Paris, ils suivent des cours au Centre Sèvres et à l’Institut Catholique. Six moniales ont suivi un cycle de 2 ans de théologie, organisé pour les Ordres religieux féminins à Hô Chi Minh-Ville. D’autres suivent chaque année des cours d’un mois. Des professeurs de la Congrégation donnent aussi des cours de liturgie, de droit canonique et de théologie du monachisme, à quelques sœurs ou à l’ensemble d’une communauté.
 
Pour l’Année sainte 2000 deux « pèlerinages eucharistiques » ont été organisés, l’un de 2 jours à Thien Phuoc pour 170 profès, l’autre de 4 jours à Chau Son pour 107 novices. C’étaient des réunions fraternelles avec prières, méditations sur le thème « l’Eucharistie source de communion » et partage de vie. Nous avons édité à cette occasion deux fascicules, sur l’histoire de nos communautés et le thème de la communion.
 
Des rencontres fraternelles entre responsables de la famille bénédictine et cistercienne ont lieu chaque année, en général en juillet après la fête de notre Père saint Benoît. Nous sommes alors environ 40, pour échanger et collaborer pendant au moins 2 jours, par exemple nous écrivons ou traduisons des ouvrages monastiques.
 
Nous accueillons presque continuellement des retraitants : groupes de fidèles, religieux et religieuses, séminaristes avant leur ordination sacerdotale, évêques avant leur consécration épiscopale.
 
Pour le Dialogue interreligieux nous avons des contacts assez fréquents avec des moines et moniales bouddhistes. Ils viennent chez nous pour certaines fêtes liturgiques.
 
Il nous est aujourd’hui plus facile d’avoir des relations avec la grande famille cistercienne. Pour la première fois depuis 1975, un Abbé général de l’Ordre, dom Mauro Esteva, a pu visiter nos monastères en 1997, et en 1999 de manière plus officielle. J’étais seul venu du Viêtnam participer au Chapitre général de l’Ordre en 1995, en 2000 nous sommes venus assez nombreux, Supérieurs et Supérieures et Délégués de la Congrégation.
 
Pour terminer, je voudrais vous communiquer une joyeuse nouvelle : l’archevêque de Huê, Mgr Etienne Nguyên Nhu Thê, avec le consentement de la Conférence épiscopale du Vietnam, a décidé d’introduire la cause de béatification de notre fondateur dom Henri Benoît Thuân.     
Abbaye de Phuoc Son
 
 
Vietnam
 
Thien An  – 60e anniversaire
 
Chers Frères et Amis du monastère,
 
Nous ne voulons pas manquer de vous associer à notre joie à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire de notre fondation, ce 11 juillet 2000. Nous avons été fondés par les moines de La Pierre-qui-Vire, France, le jour de la fête du Sacré-Cœur 1940 ; notre communauté reçut le nom de Thien An, c’est-à-dire Paix Céleste.
 
Le  monastère est établi sur une colline, entouré de pinèdes, à l’extérieur de la ville de Hué. Il y a beaucoup de silence, peu de distraction venant de l’extérieur, et les difficultés et exigences de la vie communautaire.
 
En plus d’un demi-siècle d’existence, nous avons fondé à trois reprises : le prieuré de Thien Hoa sur les Hauts-Plateaux du Centre en 1962, le prieuré de Thien Binh à Dong Nai en 1970 et le prieuré de Thien Phuoc à Saigon en 1972.
 
Nos monastères vietnamiens attirent de nombreuses vocations. Thien An, la plus grande communauté, compte actuellement 46 moines, dont 13 profès solennels, 16 profès simples, 13 novices et 4 postulants. Cette année le Seigneur nous a comblés par l’entrée de 9 novices et 2 aspirants. Beaucoup de jeunes demandent à entrer au monastère, mais nous ne pouvons en accepter qu’un petit nombre, par manque de place et à cause de la précarité de notre économie.
 
Thien An n’a pas d’apostolat à l’extérieur du monastère. Notre travail principal est la plantation d’orangers. Cette activité procure un petit revenu qui permet de couvrir les frais du monastère pendant trois mois. Le reste de l’année notre vie dépend des honoraires de messes. Comme le nombre de moines s’accroît rapidement nous avons beaucoup à faire pour couvrir les dépenses journalières.
 
Dans la dernière décade, avec l’aide de généreux donateurs, l’AIM, des monastères d’Europe, d’Amérique et d’Australie, des organisations et bienfaiteurs catholiques, nous avons pu réparer les bâtiments endommagés pendant la guerre et commencer la construction d’un Centre de Retraites et l’Église supérieure1, dont le plan avait été dessiné trente ans auparavant. L’Église supérieure, qui sert désormais aux moines et aux visiteurs pour les Offices et l’Eucharistie, est d’une architecture à la fois occidentale et orientale. Le Centre de Retraite peut accueillir environ 40 personnes ; les retraitants, religieux et laïcs, viennent de tout le pays.
 
Voici les événements essentiels dans l’histoire de Thien An :

  • Le 10 juin 1940, en la Fête du Sacré-Cœur, dom Romain Guillaumat et dom Corentin Colin, nos fondateurs, inauguraient la nouvelle fondation de Thien An ; ils choisirent le Sacré-Cœur comme patron du monastère.
  • En mars 1952, le Père Benoît Nguyen Van Thai devenait le premier Prieur Vietnamien.
  • En 1958 le monastère devint autonome.
  • En février 1968, pendant la guerre du Vietnam, le monastère fut presque entièrement détruit par les bombes ; les moines furent envoyés en exil, deux mois au Couvent de Saint-Paul à Danang, sept mois au Carmel de Hué. Pendant la guerre nous avons connu deux exils : le premier en 1972, au point le plus fort du conflit, le second en 1975 à la fin de la guerre.
  • En avril 1998, le monastère fut érigé canoniquement au rang d’abbaye par l’Abbé Président de la Congrégation de Subiaco, dom Thierry Portevin.
  • Le 21 mai 1998, la communauté élut comme premier Abbé le Père Stéphane Huynh Quang Sanh. La bénédiction abbatiale eut lieu le 27 août 1998.

 
Il nous reste à remercier tous ceux qui nous ont aidé pendant ces soixante ans. Nous prions le Seigneur de les bénir et de les récompenser. Nous recommandons notre communauté à vos prières ; et « Qu’en tout Dieu soit glorifié ».
 
Abbé Stéphane Huynh Quang Sanh osb, et les moines de l’abbaye de Thien An
 
Séjour en Inde
 
Le 13 janvier 2000 vers 10 heures du matin j’arrivais à l’aéroport de Bangalore après une longue nuit de voyage. Le P. Prieur m’attendait et me conduisit au monastère. L’accueil fut très cordial ; c’était pour moi une joie de retrouver des frères avec lesquels j’avais longtemps travaillé et  de découvrir de nombreux jeunes visages. Tout de suite on m’a demandé de donner un cours au noviciat et je commençais aussi à m’informer de l’économie du monastère mise à mal par une épidémie dans le troupeau de vaches laitières qui était sa principale ressource. Il faut trouver d’autres activités complémentaires.
 
Quelques jours plus tard je partais pour Kappadu, fondation d’Asirva­nam au Kerala, pour assister à la réunion annuelle de l’ISBF (Indo-Srilankan Bénédictine Fédération) qui s’y tenait. L’ISBF regroupe les Supérieurs des bénédictins et bénédictines de l’Inde et Sri Lanka. Presque tous étaient présents, sauf ceux de Sri Lanka qui ne viennent qu’un an sur deux à cause du coût du voyage. Mais cette réunion a donné la joie d’accueillir un nouveau membre, le Supérieur des bénédictins camaldules, qui ont déjà deux maisons en Inde.
 
Un des points du programme de cette réunion était la mise à jour du statut du DIM indien, appelé maintenant BID (Benedictine Interreligious Dialogue) afin de préserver son identité monastique parmi d’autres organismes chrétiens de dialogue en Inde. Un autre sujet de discussion fut la nécessité, toujours vivement ressentie, d’une formation monastique. Les monastères d’hommes ouvriront leurs sessions aux sœurs et d’autres sessions régionales seront organisées chez elles dans la mesure du possible. Pour ne pas rester uniquement dans le domaine administratif la réunion comportait deux conférences doctrinales, l’une du P. John Kurichianil sur le moine en tant que prophète, l’autre du P. Pius, sylvestrin, sur l’écoute : écoute de notre environnement, écoute de l’Écriture dans la liturgie et la lectio divina. La discussion a souligné que le ministère sacerdotal ne doit pas obscurcir la vocation primordiale du moine qui est de chercher Dieu.
 
En fin mars, début avril, j’ai donné, dans le cadre de la formation pour les sœurs, deux sessions au Sri Lanka, sur la Règle et la tradition monastique. La première eut lieu chez les bénédictines de Grace and Compassion à Moratuwa, banlieue de Colombo où les chrétiens sont assez nombreux. Elles tiennent une maison de personnes âgées, installée dans une belle maison coloniale dont on leur a fait don. La communauté jeune et joyeuse a un bon nombre de novices dont plusieurs devaient faire profession le mois suivant. L’autre session avait lieu chez les moniales bénédictines du monastère de St Helena, plus au Nord sur la côte. J’avais déjà visité autrefois cette communauté fondée par des sœurs italiennes. Après un début assez difficile, la communauté, maintenant entièrement composée de sœurs Ceylanaises, se développe bien. Entre les deux sessions j’ai pu rendre visite et donner une conférence au monastère des bénédictins sylvestrins à Kandy.
 
Au mois de mai j’ai aussi donné une semaine de cours sur les mêmes sujets aux bénédictines de Grace and Compassion dans leur noviciat qui est voisin d’Asirvanam. Ayant eu besoin de me reposer, elles m’ont accueilli très fraternellement, faisant l’impossible pour me remettre d’aplomb. Toutes ces communautés ont soif de connaître la tradition monastique, aussi j’ai été content de pouvoir leur apporter mes deux livres récemment publiés chez Gracewing : From East to West, History of Monasticism et Seeking the Absolute Love, The Founders of Christian Monasticism. Ils sont en partie le fruit des recherches faites il y a trente ans au Sri Lanka et en Inde.
 
Revenons un peu en arrière pour mentionner l’important colloque Hindous‑Chrétiens qui s’est tenu à Mumbai (Bombay) du 21 février au 2 mars. Le compte rendu en a été publié, je voudrais seulement signaler que ce colloque est le troisième qui a été organisé conjointement par le DIM, l’Université de Turin et l’Institut culturel hindou K.S. Somaiya Bharatiya Sanskriti Peetham. Cet Institut fait partie du grand Somaiya Campus qui comprend 20.000 élèves et plus de 200 professeurs. Un de ses buts est de favoriser le rapprochement entre les différents groupes ethniques et religieux de l’Inde. Il a une section pour le bouddhisme et désire développer le dialogue avec les chrétiens. Les directeurs des sections hindoue et bouddhiste ont ainsi accepté de collaborer avec le BID pour publier une édition asiatique de la Règle de saint Benoît comprenant en parallèle des textes monastiques de ces deux religions.
 
À mon départ de l’Inde le monastère d’Asirvanam, malgré sa grande pauvreté, a voulu m’offrir en cadeau des tissus en soie du pays et d’autres objets utiles pour la liturgie.
 
De retour en France, j’ai pu participer au colloque Bouddhistes‑Chrétiens qui se tient annuellement depuis 3 ans au Centre Théologique de Meylan, colloque en comité restreint pour étudier la difficile question de la non‑dualité. Cela implique une recherche sur la nature de la personne humaine dans laquelle on fait intervenir la notion de relation, dont l’importance est relevée par la psychologie moderne.
 
En conclusion on a décidé pour la réunion de l’an prochain d’élargir le groupe et d’étendre la recherche à des sujets connexes qui semblent importants à l’heure actuelle. Une autre nécessité s’est fait sentir, celle d’un dictionnaire des termes utilisés dans le dialogue interreligieux, car on use des mêmes mots pour signifier des réalités très différentes quand on passe du contexte d’une religion à celui d’une autre. Il semble que plusieurs spécialistes travaillent déjà ce sujet. Il serait souhaitable de coordonner ces recherches.

P. Mayeul de Dreuille, osb
 
 
Inde
 
Kappadu
 
Consécration de la nouvelle église
 
Leo Ryska, osb, ancien abbé de Benet Lake, USA
 
Rien ne prépare l’hôte du monastère St Thomas à la surprise qui l’attend en haut de la montagne. Il découvre là-haut un monument en pierre d’une rare beauté, majestueux, imposant et rempli de mystère. C’est une nouvelle église monastique bénédictine qui s’inspire d’anciennes traditions, notamment de l’architecture hindoue.
 
Cet édifice singulier est dédié au grand mystère de la Transfiguration – une belle icône de la Transfiguration est d’ailleurs suspendue sur le mur derrière l’autel. Comme Jésus et ses disciples montaient sur la montagne pour prier, les moines de St Thomas montent à l’église. Le but de la vie monastique, de cette communauté, selon les mots du Prieur, le P. John Kurichianil, est d’être transfiguré en Christ par la prière. La force du symbole est évidente et irrésistible.
Il est traditionnel d’embellir le mieux possible les lieux d’adoration et c’est ici aussi le cas. La sainteté et l’altérité de Dieu sont exprimées concrètement par une recherche de beauté tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du somptueux édifice. Comme les moines choisissent une communauté particulière et s’y enracinent par le vœu de stabilité, de même cette église participe de l’universelle vocation de louange mais s’enracine aussi dans les traditions artistiques et architecturales de la région du Kerala en s’inspirant des temples, résidences de rajas et habitations de la noblesse locale.
 
L’église est constituée de trois petites enceintes inscrites dans une plus vaste. La première est l’église principale où sont célébrés l’Eucharistie et l’Office divin. La seconde est la chapelle du Très Saint Sacrement ; elle ressemble beaucoup au Saint des Saints d’un temple hindou ; le tabernacle traditionnel y est gardé en un saint lieu. Dans les palais des rois et les résidences des nobles on gardait les choses précieuses dans une boîte à trésors – il est donc approprié que la Présence Réelle du Seigneur Ressuscité, le trésor le plus précieux de l’Église et de la communauté monastique, soit gardé de cette manière. La troisième église contient le Baptistère et le Martyrion où sont rangés les reliquaires et les icônes ; en pratique ce lieu sert aussi de sacristie.
 
Cette église, unique dans son genre en Inde, a été conçue par le Prieur John. La construction a duré dix ans. L’architecte C. Joseph de Bangalore a dessiné les plans et donné les conseils techniques. Tous les motifs décoratifs, bois et ciment, ont été collectés par le P. John lui-même, aidé du P. Ephrem Maniyamprayil, bon photographe. Le travail de sculpture par enroulements compliqués a duré cinq ans et a été réalisé par un vénérable artiste, Mère Joachim de Nagercoil, Tamil Nadu, et toute une équipe. Les portes et les panneaux de bois de teck ont été sculptés par des artisans locaux. Félix Kulathinkal, étudiant en théologie, a supervisé l’ensemble.
 
L’entrée est agrémentée par un ensemble de trois objets religieux signalant à ceux qui s’approchent qu’il s’agit d’un lieu sacré. D’abord une grande croix de granit, typique des églises syriaques ; ensuite un élégant porte-drapeau et une lampe à huile à sept étages : deux éléments traditionnels des temples hindous du Kerala. Le clocher est couronné par les douze marches de l’humilité, avec la croix de St Thomas au sommet. Dans l’Église syro-malabar les croix sont nues et surmontées du Saint-Esprit en forme de colombe. Le moine rejoint le Seigneur Ressuscité par l’ascension des douze marches de l’humilité.
 
La consécration de l’église eut lieu le 31 décembre 2000, en présence de l’archevêque, aujourd’hui cardinal, de l’église syro-malabar, Mar Varkey Vithayathil, de l’Abbé Primat Notker Wolf, osb, et du Prieur John Kurichianil, osb.
 
À la suite de la cérémonie de consécration, l’évêque du diocèse Mar Mathew Vattakuzhy – aujourd’hui à la retraite – a conféré l’ordination sacerdotale à cinq moines du monastère. La journée se termina par un repas festif servi à 2000 hôtes.

 
Japon
 
Saporo et Muroran (bénédictines)
 
Nous avons fermé notre maison de Tokyo pour deux raisons principales : les quatre sœurs qui habitaient Tokyo étaient malades et âgées, et nous étions seulement dix-sept sœurs en tout, dispersées en trois maisons. Les sœurs de Tokyo devaient multiplier les voyages pour se rendre à Hokkaido et l’entretien de la maison revenait très cher. Maintenant huit sœurs sont au couvent de Muroran et neuf sont à Sapporo. Il nous a semblé bien meilleur de réciter l’Office divin en plus grand groupe ; vivre en communauté avec des sœurs d’âges différents enrichit la vie communautaire. Nous sommes convaincues qu’il était opportun de quitter Tokyo ; nous ne rajeunissons pas. Il nous a fallu beaucoup d’énergie pour bouger. Au début ce ne fut pas sans douleur de quitter Tokyo, où nous étions depuis 50 ans et où nous avions commencé de mener la vie bénédictine. Mais maintenant nous sommes heureuses, convaincues que telle était la volonté de Dieu.
 
En comparaison avec notre vie d’il y a plusieurs années, nous sommes aujourd’hui plus contemplatives. En effet nous avons confié à des laïcs chrétiens la responsabilité de l’école, pas la paroisse. Ainsi, une sœur travaille à l’école, une autre au jardin d’enfants de Muroran. Une sœur travaille au jardin d’enfants de la paroisse. Trois sœurs seulement travaillent à temps plein, cela change tout. En communauté nous pouvons prendre le temps nécessaire à la lectio divina, la prière personnelle et l’Office divin. Il est bien plus facile de garder le silence pendant la journée. Ici à Sapporo nous avons (tous les jours) une heure d’étude de spiritualité bénédictine, nous lisons des textes et partageons nos réflexions. Le samedi soir nous étudions les textes de la messe du dimanche.
 
Si nous avions un travail à plein temps nous ne pourrions pas prendre ces temps de prière et d’étude. Non pas que nous disions : « Vivons désormais de manière plus contemplative », mais progressivement les valeurs de prière et de silence grandissent chez nous d’une manière qui était auparavant impossible, à cause de toutes nos activités.      m

 
Taïwan
 
Tanshui, Monastère de Saint-Benoît (bénédictines)
 
Nous avons été fondées par le monastère de St. Benedict’s, à St. Joseph, Minnesota, USA, en 1930, en Chine continentale. C'est ici à Taiwan que notre monastère est devenu indépendant en 1988. Nous sommes de la Fédération de St. Benoît, USA.
 
Nous avons deux maisons, la maison-mère à Tanshui, une ville proche de la capitale Taipei, et la mission, à Taipei même. Nous avons un centre de retraites à Tanshui et un foyer de jeunes filles à Taipei. Voilà la source de nos principaux revenus. Au foyer nous fournissons seulement le logement, sans les repas. Nous avons une capacité de 65 chambres, pour étudiantes de l’université ou du collège et des grandes écoles de proximité, nous recevons aussi des jeunes au travail.
 
Nous sommes une très petite communauté, neuf membres dont huit professes solennelles et une jeune professe. Notre vie est très simple ; nous prions cinq fois par jour, y compris l’Eucharistie. Nous sommes les seules bénédictines à Taiwan ; nous avons très peu d’ouvrages de spiritualité bénédictine en chinois, donc nous essayons de faire quelques traductions. Nous espérons pouvoir un jour écrire nos propres livres en chinois.
 
Notre monastère est situé en haut d’une colline avec une très belle vue. D’un côté nous voyons une haute montagne, de l’autre nous apercevons la rivière Tanshui et le Détroit de Taiwan. Le lieu est très paisible et tranquille, agréable pour un temps de retraite. Il semble que notre Dieu soit tout proche de nous.
 
Sr Luca Menton, osb, Prieure
 

Philippines
 
Les bénédictins de la Congrégation sylvestrine aux Philippines
 
Histoire
 
Les bénédictins de la Congrégation sylvestrine sont arrivés aux Philippines en février 1999. L’Abbé général, qui visitait le prieuré du Sri Lanka en 1995, avait été invité aux Philippines par le nonce apostolique, Mgr Oswaldo Padilla, qui était philippin, et il avait accueilli cela comme un
signe de Dieu pour l’expansion de la Congrégation. Il se rendit aux Philippines en 1997, accompagné de son Vicaire général pour étudier la situation ; ils furent cordialement reçus par l’Archevêque de Cebu, le Cardinal Ricardo Jaime Vidal, qui les mit en contact avec le maire de la ville de Carmen. Celui-ci accepta sur-le-champ de donner six hectares de terrain dans la montagne – cependant il n’y avait aucune route d’accès. Ils s’en retournèrent à Rome pleins d’espoir et le Conseil général approuva le projet de fondation.
 
Le plus dur pour l’Abbé fut de trouver un nombre suffisant de moines dans différents prieurés pour cette entreprise totalement nouvelle dans l’histoire de la Congrégation. Finalement l’Inde put fournir à l’Abbé le personnel requis : le P. Thomas (alors maître des novices au monastère bénédictin d’Asirvanam), le P. Joseph et le P. Bernard (qui rejoignit les deux premiers un an après).
 
Le P. Thomas et le P. Joseph commencèrent par se rendre en Italie pour se préparer chez les sylvestrins de Montefano, d’août 1998 à février 1999. Le 5 janvier, au cours de l’Eucharistie présidée par l’Abbé général et concélébrée par les représentants de tous les prieurés conventuels de la Congrégation, les deux pionniers reçurent leur envoi, devant la tombe du saint fondateur Sylvestre. Cette cérémonie indiquait que le surgeon venait de la source et exprimait une aspiration commune de nouvelle croissance à l’aube du millénaire.
 
Accompagnés de l’Abbé général et d’un conseiller, les deux pionniers arrivèrent aux Philippines le 9 février et le Cardinal les reçut chez lui à Cebu. Le lendemain les 4 moines étaient conduits à Carmen, à une quarantaine de kilomètres au nord. Cependant le terrain enclavé promis par le maire s’avéra dépourvu de toute possibilité d’aménagements et l’offre fut poliment déclinée. L’Abbé et son conseiller regagnèrent Rome au bout de quelques jours, laissant les deux pionniers sans domicile, sans amis, confrontés à leur nouvel environnement et à une nouvelle langue… Le maire mit à leur disposition une maison dans le centre de la ville où ils restèrent six mois, mettant à profit ce temps pour s’acclimater, faire connaissance avec les gens, étudier la langue. Ils commencèrent à célébrer la messe en cebuano et cela attira du monde, puis ils se firent des amis. Ils étaient aussi à la recherche d’un terrain qui convienne pour le futur monastère.
 
Après plusieurs mois ils finirent par trouver un terrain qui convenait dans les montagnes verdoyantes de Carmen, à une distance de 6 km, avec une vue panoramique qui s’étend jusqu’à la mer. Le terrain choisi est entouré sur trois côtés par une petite rivière et il possède en outre une source qui n’est jamais tarie. Un de ses côtés est longé par la route du village avec des parties cimentées pour les cycles qui circulent et qui sont le seul mode de transport entre les villages perchés dans la montagne et le monde civilisé de la ville en bas. La propriété est remplie d’arbres fruitiers.
 
Petit à petit les moines furent pourvus d’une hutte provisoire en tôle et en bambou qui constituait leur premier bâtiment monastique, et ils y emménagèrent le 15 juillet 1999. Elle fut bénie par le curé de la paroisse voisine et une foule de 200 personnes participa à la cérémonie.
 
Le pays
 
Les Philippines (avec environ 76 millions d’habitants) sont un beau pays, riche en ressources naturelles et pour la vie marine. C’est un archipel de plus d’un millier d’îles, à quelque 800 km au sud de la côte est de l’Asie, bordé par l’Océan Pacifique à l’est, la Mer des Célèbes au sud, et la Mer de Chine à l’ouest et au nord. Les îles forment trois groupes principaux : celui du nord où se trouve la capitale Manille, celui du centre avec Cebu, et celui du sud où les séparatistes musulmans sont très nombreux.
 
Le catholicisme est bien implanté aux Philippines qui sont le 3e pays catholique du monde, après le Mexique et le Brésil, et le seul pays catholique en Asie. Il y a trois Cardinaux, 79 diocèses, 99 congrégations masculines et 280 congrégations féminines. Cebu est la seconde ville du pays après Manille, et c’est là que les Espagnols ont débarqué au 15e siècle, avec le catholicisme.
 
Le but du monastère sylvestrin
 
Le but de ce monastère aux Philippines est le même que partout ailleurs dans le monde : vivre l’idéal monastique décrit dans la Règle de saint Benoît, selon la vision de saint Sylvestre, vivre le charisme sylvestrin dans le contexte philippin. Mais une attention particulière sera accordée à la formation des candidats, afin que le monastère devienne le plus vite possible philippin. Une autre priorité sera de s’occuper des besoins spirituels des habitants du voisinage.
 
 
L’influence des moines bénédictins est très faible dans ce pays ; avant nous il y avait deux ongrégations masculines – Subiaco (1985) et St.-Ottilien (1983), et il existe aussi au moins six congrégations féminines qui sont pleines de vitalité. Les trappistes sont également présents, hommes (1972) et femmes (1994).
 
Croissance
 
En 1999 il n’y avait que deux moines pour commencer. Au début de 2000, deux jeunes furent acceptés comme postulants, puis le P. Bernard arriva de l’Inde et la hutte des débuts fut agrandie. Le clergé diocésain et des religieux de Cebu rendirent visite à la petite communauté et les demandes de récollections et de retraites se multiplièrent, malgré les problèmes d’hébergement.
Les habitants de la localité commencèrent à affluer à la messe ; ils acceptent et accueillent les moines de grand cœur. Ils aident les moines dans leurs tâches quotidiennes : les enfants de l’école élémentaire locale sont des aides enthousiastes. Les moines vont visiter les familles du voisinage et prier avec elles, en particulier pour les occasions spéciales comme un accident ou un décès. Une cinquantaine d’enfants avec leurs mères viennent tous les soirs pour le chapelet et pour recevoir une instruction religieuse.
 
Une fois par mois une consultation médicale est organisée au monastère par les Missionnaires de la Charité de Mère Teresa, et plus de 300 mamans avec leurs bébés reçoivent leurs médicaments de base gratuitement. Également une fois par mois on peut recevoir gratuitement des soins dentaires grâce à une équipe de volontaires venus des grands hôpitaux de Cebu. Devant l’afflux des visiteurs, l’administration civile a en partie cimenté la route de montagne escarpée, ce qui facilite l’accès depuis la ville de Carmen.
 
Le 22 mars 2000 le Cardinal Vidal a béni la pierre de fondation de la nouvelle église, en présence des autorités civiles et de dignitaires politiques et ecclésiastiques. La construction de l’église est assumée par de généreux donateurs.
 
La petite communauté sylvestrine a bon espoir qu’elle va continuer à grandir, car des vocations se présentent. Bien que le diocèse de Cebu compte près de 110 maisons religieuses, la vie bénédictine est peu connue, les moines souhaitent pouvoir accepter d’autres vocations et se concentrer sur la formation.
 
Conclusion
 
La communauté sylvestrine des Philippines n’a pas même deux ans et il est trop tôt pour faire une évaluation honnête de nos efforts d’implantation monastique. Canoniquement, ce n’est pas même un monastère mais seulement une maison qui dépend directement de l’Abbé général. Ni les finances, ni le nombre de profès de la communauté ne sont stables, mais si l’on en juge d’après ce qui s’est passé jusqu’à maintenant, les moines qui vivent ici regardent vers l’avenir avec confiance, non seulement pour leur communauté mais aussi pour toute la Congrégation sylvestrine.
 
Thomas Thekkumthottam osb, Corte, Carmen
 
Livre

Kurisumala Ashram : A Cistercian Abbey in India (Une abbaye cistercienne en Inde). Kurisumala Ashram, P.O. Vagamon, Dist. Kottayam, 685503 Kerala, India
 
À la mousson 1998 j’eus le privilège de visiter l’Ashram de Kurisumala. La route qui conduit au monastère serpente en une suite interminable de virages en épingles à cheveux et monte à la « Montagne de la Croix » – Kurisumala, lieu ainsi nommé bien avant que les moines
s’y installent –  luxuriante de verdure.
 
Au temps de la mousson, chaque virage découvre une nouvelle cataracte spectaculaire dévalant le long d’un pan de rocher noir. J’escaladais la montagne avec la jeep ; le jour déclinait et la pluie commençait à tomber et nous avons pénétré dans une nuée bien avant d’atteindre l’ashram. C’est ainsi que ma première impression de ce qu’était alors le plus jeune monastère de l’Ordre cistercien fut littéralement mystique.
 
Pendant les deux semaines que j’ai passées avec les frères, je fus frappée de leur joie et de leur enthousiasme d’avoir été incorporés à l’Ordre, ainsi que de leur vive curiosité d’apprendre les détails des modes de vie dans d’autres monastères cisterciens. À mon retour, j’ai retrouvé cette même curiosité chez les cisterciens américains avides d’entendre parler de nos nouveaux frères. C’est avec une joie mêlée de tristesse que je lus le présent volume : joyeuse de l’existence de cette petite perle, j’étais triste de ce qu’on ne peut pas – du moins pas encore – se procurer cet ouvrage hors de l’Inde ; cette remarque vaut pour les livres sur le Christianisme indien en général, et Kurisumala en particulier.
 
Quelques livres échappent à toute classification, c’en est un. D’une part, c’est le genre d’ouvrage publié par beaucoup de moines, qui présente un monastère et son histoire à toute personne intéressée : visiteurs, chercheurs de Dieu… Il est donc généreusement pourvu de photos couleur présentant des scènes typiques de la vie monastique et la beauté naturelle du lieu. Mais, même dans cette perspective, le volume présente quelque originalité. Il comporte un chapitre intitulé « Le monastère et les pauvres » qui décrit brièvement comment une communauté de fermiers locaux prospère s’est installée sur une terre primitivement inculte aux abords de l’ashram, processus qui n’est pas sans rappeler la croissance des villes aux abords des monastères médiévaux. L’ashram continue d’assurer une coopérative journalière pour ces voisins. Le chapitre sur l’accueil est remarquablement long, comme il sied à un monastère où les hôtes sont complètement insérés dans la vie et le travail communautaires, et si aimablement bienvenus. Pour plus de la moitié, ce chapitre est constitué de citations provenant du Livre d’Or mis à la disposition des hôtes.
 
Mais ce qui est encore plus remarquable, c’est l’attention portée à la liturgie. Non seulement ce chapitre est plus développé ici que d’ordinaire dans les livrets de présentation des monastères, mais surtout il occupe la place centrale du chapitre suivant, « Inculturation ». En réalité, la liturgie forme la trame de l’ensemble du livre. À Kurisumala la liturgie est propre, pour l’Office divin on utilise des traductions originales – dans un anglais soigné – de rares manuscrits en langue syriaque, publiées par l’ashram sous le titre : « Prayer with the Harp of the Spirit : the Prayer of Asian Churches, (« Prières avec la harpe de l’Esprit, liturgie des Églises d’Asie »). Alors qu’en Occident l’Office divin s’appuie essentiellement sur les psaumes et que l’apport christologique et ecclésial doit venir par le truchement d’antiennes, d’hymnes et d’une instruction liturgique solide, la liturgie syriaque s’appuie sur la poésie de saint Éphrem, où les mystères du Christ sont indéfiniment repris et explicités en des termes colorés et non ambigus. Dans un contexte aussi clairement christologique, quelques rares mais ravissantes exceptions, des perles de textes sacrés non chrétiens de l’Inde, intégrées dans les ouvrages liturgiques de l’ashram, révèlent leur naturelle beauté et diffusent leur éclat comme des « semences du Verbe » dans l’Évangile.
 
Kurisumala a la réputation, bien méritée, d’être vraiment inculturé. Bien des intuitions des Pères Monchanin et Le Saux, pionniers de l’inculturation chrétienne en Inde, ont été partagées par les fondateurs de l’ashram Francis Acharya et Bede Griffiths. En conséquence, en dépit de l’origine européenne des fondateurs, l’inculturation à Kurisumala ne s’arrête pas aux signes extérieurs, comme la robe safran ou l’utilisation de l’écriture hindoue et de la tradition monastique indigène, la terminologie – « ashram » – pour importants qu’ils soient. C’est évident dans l’extrême simplicité et pauvreté de vie qui constitue pour les Indiens un élément essentiel, peut-être l’élément majeur de la vie monastique, central pour témoigner authentiquement de l’Évangile. Par-dessus tout, un respect profond et une pénétration des écrits hindous et de la tradition monastique indigène, incarnée dans la pratique de la méditation. Comme explicité au chapitre sur la « méditation », l’enrichissement procuré par cette ouverture aux religions locales, pour apprendre d’elles, est seul rendu possible par un enracinement absolu dans la vie sacramentelle et la foi biblique de l’Église chrétienne.
 
Le tiers du livre de format poche traite de la récente incorporation de l’ashram dans l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance. La liturgie de l’événement, homélies et textes officiels, paroles des chants ainsi qu’une moisson de photos, tentent de redire aussi précisément que possible ce qui fut évidemment, dans l’histoire de Kurisumala comme dans celle de l’Ordre, un moment exceptionnel.
 
La réflexion qui suit, sur la signification historique et théologique de l’incorporation, est peut-être encore plus importante. Après une brève présentation des moments de l’histoire de l’ashram qui lui donnèrent une coloration explicitement cistercienne, on se penche sur les ressemblances entre Kurisumala et Cîteaux. Il n’est pas étonnant que la liturgie joue, ici encore, un rôle prépondérant : une recherche ardue visant à retrouver une authentique et antique tradition liturgique, base de la vie de prière de Kurisumala, rappel d’une démarche similaire sous la houlette d’Étienne Harding.
 
L’horaire de l’ashram est reproduit au début de l’ouvrage. Kurisumala Ashram est un ouvrage de grand intérêt historique cistercien qu’on devrait pouvoir trouver dans toute bibliothèque monastique.
 
Kathleen O’Neill, ocso. Original publié dans C.S.Q. 35.4. (2000), reproduit avec permission