M. Benoît-Joseph Pons[1]
Les monastères pour une économie
alternative et durable
Principes de l’économie monastique
Comment un groupe d’hommes ou de femmes qui pratiquent un mode de vie basé sur des principes économiques opposés à ceux du modèle courant peuvent-ils inspirer des solutions aux problèmes que rencontre le monde d’aujourd’hui ? C’est l’objet de la présentation qui suit.
La vie monastique repose sur quatre piliers qui sont la prière, le travail, la lectio divina et la vie communautaire. La lectio est la lecture d’un texte à caractère spirituel prolongée par une réflexion personnelle, une méditation et éventuellement une prière inspirée par ce texte. Les moines y consacrent généralement entre une et deux heures par jour. L’économie monastique s’articule autour de ces quatre piliers et elle repose sur deux principes essentiels : la désappropriation et l’économie des besoins.
La désappropriation
Dans la règle de saint Benoît, la désappropriation est fondée sur l’objectif de « ne rien préférer à l’amour du Christ ». Elle s’exprime de façon pratique par les deux préceptes suivants :
« Avant tout, il faut retrancher du monastère jusqu’à la racine le vice de la propriété » (RB 31, 1),
et
« Que tout soit commun à tous, ainsi qu’il est écrit. Que personne ne dise que quelque chose lui appartient, ni n’ait la témérité de se l’approprier » (RB 33, 6).
La Règle dit aussi :
« Que personne n’ait donc la témérité de rien donner ou recevoir sans l’autorisation de l’abbé ; ni de rien posséder en propre, quoi que ce puisse être, puisqu’il n’est même plus licite au moine d’avoir à leur disposition ni leur corps ni leur volonté » (RB 33, 2-4).
Autrement dit, le moine ne doit rien posséder en propre, ni bien matériel, ni bien immatériel. Ne pas disposer du corps conduit à la chasteté, ne pas disposer de la volonté conduit à l’obéissance. Dans la pratique, ne pas posséder les biens qui sont mis à sa disposition oblige le moine à en prendre le plus grand soin. La Règle demande au cellérier de « regarder tous les objets et tous les biens du monastère comme les vases sacrés de l’autel » (RB 31, 10). Elle dit aussi :
« Si quelqu’un traite les objets du monastère avec malpropreté ou négligence, il sera réprimandé » (RB 32, 4).
La désappropriation monastique génère la nécessité de la solidarité et de la non-compétition professionnelle. Une charge est un service dont personne n’est propriétaire. Elle est donnée par l’abbé, en fonction des aptitudes de la personne et des besoins du monastère. Elle ne donne lieu à aucun avantage personnel.
Beaucoup de monastères pratiquent la « collation des charges ». Tous les trois ans, ou quand cela s’avère nécessaire, chaque moine remet sa charge à l’abbé qui décide soit de le reconduire dans cette même charge, soit de lui en donner une autre. Il ne s’agit pas d’une décision arbitraire ; elle est mûrie avec le Conseil – les moines qui aident l’abbé dans ses choix – et en concertation avec les personnes concernées. Mais chaque moine sait qu’il peut, à un moment donné de sa vie, occuper un poste important, puis se voir attribuer une fonction beaucoup plus modeste. Au monastère, on ne fait pas carrière.
L’idée de ne pas mettre la compétition au centre des relations interpersonnelles est largement développée dans l’encyclique du pape François, Fratelli tutti, idée inspirée par saint François :
« François a reçu la vraie paix intérieure, s’est libéré de tout désir de suprématie sur les autres, s’est fait l’un des derniers et a cherché à vivre en harmonie avec le monde » (FT 4).
L’économie des besoins
L’économie des besoins est définie au chapitre 34 de la Règle, intitulé : « Si tous doivent recevoir également le nécessaire ». Elle s’appuie sur l’idée d’un retour au temps idyllique des premiers chrétiens décrit dans les Actes des Apôtres : « On partageait à chacun selon ses besoins » (Ac 4, 35 ; RB 34, 1).
Il ne s’agit pas de considérer toutes les personnes comme des numéros identiques. Au contraire, chacun est différent et a des besoins particuliers. La Règle dit :
« Celui qui aura besoin de moins, rendra grâces à Dieu et ne s’attristera point ; celui à qui il faut davantage, s’humiliera et ne s’élèvera point à cause de la miséricorde qu’on lui fait. Alors tous les membres seront en paix » (RB 34, 3-5).
L’économie des besoins monastiques comprend deux volets : chacun reçoit selon ses besoins, et chacun contribue selon ses moyens. Ainsi, on ne donne pas la même chose à chaque membre de la communauté. On lui donne ce dont il a besoin, en fonction de sa situation propre. Dans l’organisation du travail des moines : celui qui est jeune et doué donne tout ce qu’il a ; celui qui est âgé et moins doué contribue au niveau de ses moyens.
Dans les magasins ou les ateliers monastiques, le travail du moine donne lieu à une rémunération de la communauté. Mais cette rémunération n’est pas liée à la valeur du travail effectué. Elle est calculée sur les besoins d’une personne qui travaille, de façon identique, que le travail soit basique ou ultra-qualifié.
L’économie monastique comme économie alternative et durable
Ces deux principes de fonctionnement font du monastère une société particulière. Ce n’est pas un conservatoire des mœurs d’un autre âge, parce que c’est un lieu où l’on vit au présent. Ce n’est pas un laboratoire parce qu’on n’y fait pas d’expérimentation sociale. C’est le lieu d’une économie alternative, parce qu’on y pose au monde des questions sur ses pratiques en essayant d’inspirer des solutions aux problèmes nouveaux qui se présentent. Je me limiterai ici à l’examen de la question du travail.
Le travail
Dans le monde, le travail sert à produire des biens et à servir une rémunération qui permet de se procurer d’autres biens. C’est la base du fonctionnement de l’économie libérale. Cet échange de biens est une occasion de communication entre les personnes. Le travail contribue à établir une hiérarchie sociale et c’est un élément de reconnaissance, de la part des autres et de soi-même.
Karl Marx définit trois formes d’aliénation au travail : quand la rémunération ne représente qu’une faible partie de la valeur des biens produits, quand le travail ne vise qu’à obtenir un salaire, quand le travailleur ne peut pas mener une activité physique et intellectuelle qui soit libre.
Au monastère, la désappropriation engendre une dissociation complète entre travail et rémunération. Avec ce mode de fonctionnement, les trois formes d’aliénation au travail disparaissent : puisque le moine ne touche pas de rémunération, il ne la compare pas à la valeur de ce qu’il a produit ; le travail qu’il effectue ne vise pas, en premier lieu à obtenir un salaire ; enfin, le travail monastique est très généralement de type artisanal, ce qui laisse au travailleur plus de liberté d’action qu’un travail à la chaîne.
On peut donner au travail trois finalités : travailler pour gagner sa vie, travailler pour être reconnu par les autres et par soi-même et, si on est chrétien, travailler pour participer à l’œuvre créatrice de Dieu.
Travailler pour gagner sa vie
John Galbraith souligne un paradoxe :
« Le mot “travail” s’applique simultanément à ceux pour lesquels il est épuisant, fastidieux, désagréable et à ceux qui y prennent manifestement plaisir et n’y voient aucune contrainte. "Travail" désigne à la fois l’obligation imposée aux uns et la source de prestige et de forte rémunération que désirent ardemment les autres et dont ils jouissent »[2].
Dans l’économie libérale, les rémunérations sont définies par les deux seules forces reconnues, le Marché et le Droit. C’est le Marché qui définit globalement les valeurs ; le Droit les encadre de façon à limiter les abus : SMIC, rémunération des stagiaires, limitation du temps de travail, interdiction du travail des enfants, etc. Le Droit est relativement efficace dans la réglementation des bas salaires. Il est totalement inefficace dans le contrôle des hauts revenus.
Les moines d’aujourd’hui ne veulent pas vivre de la charité publique ; ils sont donc conscients de la nécessité de travailler pour faire vivre leur communauté. Mais comme le travail ne procure aucun avantage personnel, rémunération ou considération, la nature du travail effectué perd de son importance : gérer l’économat ou balayer le cloître ne sont pas fondamentalement différents. Ce sont juste des services correspondant aux capacités du titulaire et au besoin de la communauté. Par conséquent, il n’y a pas de compétition pour les postes.
Travailler pour être reconnu
À côté du salaire, la reconnaissance est une motivation importante. Mais le montant du salaire est lui-même, dans la pratique, un élément de cette reconnaissance. La recherche de reconnaissance au travail se traduit souvent par la recherche de pouvoir, soit pour l’image que l’on donne de soi, soit pour les avantages matériels qu’on en retire. Dans le monde, le pouvoir se mesure au nombre de personnes qu’on a sous ses ordres, au chiffre d’affaires qu’on génère, etc. L’image que l’on donne à son entourage familial et amical est très importante et peut influencer grandement le comportement. Chacun retire également une reconnaissance personnelle dans le sentiment d’être utile à son entreprise, à sa famille, à sa communauté.
Contrairement au salaire, le travail comme moyen d’accomplissement personnel est important pour les moines. Celui qui fait un travail utile à la communauté apprécie la reconnaissance de cette dernière, mais s’il ne l’obtient pas, c’est pour lui une ascèse.
Travailler pour participer à l’œuvre créatrice de Dieu
Dans une conception chrétienne, l’Homme a été créé à l’image de Dieu.
« Dieu dit “Faisons l’Homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages, et toutes les bestioles qui rampent sur la terre” » (Gn 1, 26).
Le fait que l’Homme ait été créé à l’image de Dieu lui donne une dignité particulière. Cette dignité ne repose pas sur ses possessions, ses succès, son apparence. L’autorité qui lui est attribuée est à l’image de celle de Dieu, une autorité d’amour. La théologie de la création continuée s’oppose à l’idée que la création n’est que la construction d’une immense machine qui fonctionnerait par elle-même. Dieu continue à intervenir dans le monde, et l’Homme, créé à son image, est appelé à contribuer à cette intervention.
L’Homme, créé à l’image de Dieu, participe, par son travail, à l’œuvre du Créateur, et continue, à la mesure de ses possibilités, de la développer et de la compléter, en progressant dans la découverte des ressources et des valeurs incluses dans l’ensemble du monde créé.
Ainsi, le travail, en particulier dans sa conception monastique, n’est pas simplement utilitaire et individualiste : gagner sa vie et obtenir de la reconnaissance. C’est réaliser une œuvre, au sens qu’en donne Hannah Arendt. C’est une vision communautaire, parce que ce qui compte est ce qu’on apporte au monde.
Au 19e siècle, s’est développée l’expression de « travail de bénédictin » qui signifie un travail de longue haleine, nécessitant beaucoup de patience. C’est le souci du travail bien fait, qui rejoint l’obligation de prendre soin de tous les biens du monastère. La conception bénédictine du travail suppose de se consacrer à ce qui est utile. Éviter de s’occuper avec zèle et piété à des « riens ». Dom Bertrand Rolin explique, à propos du chapitre 48 de la Règle, intitulé « Le travail manuel de chaque jour »[4] :
« Ce qui importe dans ce chapitre, c’est qu’il s’agisse de travail “vrai”. Et le travail “vrai” est celui qui est “à faire”, dit la Règle, c’est-à-dire celui qui est utile à la vie de la communauté et à son action, quelle que soit sa valorisation si on en juge selon les critères de la société. »
Combien de fois, faisons-nous des choses parfaitement inutiles mais qui nous feront bien voir parce qu’elles démontrent nos talents ?
Travail et rémunération
Dans l’économie monastique, il y a déconnexion complète entre travail et rémunération, ce qui n’est pas le cas dans le monde. Au monastère, l’abbé doit trouver une personne pour chaque fonction et donner une fonction à chaque personne. Par principe, il n’y a pas de chômage. Cela a deux conséquences. La première est que l’existence d’une fonction ne dépend pas de l’équilibre entre ce qu’elle coûte et ce qu’elle rapporte. Même si cultiver un jardin potager coûte plus cher qu’acheter ses légumes au supermarché, le fait que cela donne du travail à quelqu’un mérite d’être pris en considération. La seconde se rapporte à la question du chômage et de son indemnisation. Donne-t-on la priorité à la réduction du chômage ou à son indemnisation ? La politique traditionnelle peut laisser penser qu’on se défausse un peu de la lutte contre le chômage par une bonne indemnisation des chômeurs. Les actions contre le chômage semblent souvent surtout pilotées par la nécessité de baisser le coût de l’indemnisation. Or, nous l’avons vu, le travail est certes une source de revenus, mais pas uniquement. Indemniser les chômeurs est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant : il faut leur donner du travail. C’est une question de dignité comme l’exprime le pape François dans Fratelli tutti.
Conclusion sur le travail
La conception monastique du travail ne s’applique pas uniquement aux moines. Elle inspire les oblats, ces laïcs qui, en liaison avec une communauté cherchent à vivre la Règle dans le monde. Elle repose sur un enseignement issu de la tradition, mais aussi sur une adaptation au monde d’aujourd’hui. Les moines n’hésitent pas à utiliser des machines ultra-modernes dans leurs ateliers. Elle prétend inspirer au monde une voie de progrès, inspirer chacun, chrétien ou non chrétien, sur différents aspects.
Je retiendrai ici l’idée que le travail ne doit pas être uniquement une source de revenus. Le travail doit être un élément de développement personnel. Et ce développement personnel passe par le fait d’être utile à la communauté. Pour un travailleur en bas de l’échelle, il faut qu’il puisse être fier de ce qu’il fait. Pour quelqu’un qui a des responsabilités hiérarchiques, il faut qu’il organise le travail de ses collaborateurs pour qu’ils puissent s’épanouir dans ce qu’ils font. Pour les politiques et les administrations, il ne faut pas se contenter d’indemniser le chômage, il faut le réduire.
D’un autre côté, il faut que le travail donne à la personne de quoi vivre dignement. Les mouvements du Commerce équitable ou des AMAP militent en ce sens.
Le travail ne doit pas être un lieu de compétition, mais un lieu de coopération.
Enfin, travailler plus, pour gagner plus, pour consommer plus n’est pas une approche responsable, à partir du moment où l’on se procure le nécessaire. Cela conduit à se poser la question de la place de la croissance dans nos analyses économiques. Cela pose aussi la question de la publicité. Un aspect moderne de la clôture monastique consiste à se préserver des incitations à consommer, en particulier en limitant l’accès à internet. La publicité n’est pas mauvaise en soi, mais l’usage qu’on en fait doit être maîtrisé.
La réception de l’encyclique Laudato si’ dans les monastères
La publication par le pape François de l’encyclique Laudato si’ a provoqué une vague d’enthousiasme dans les milieux écologistes, même non chrétiens. Ils y ont trouvé une confirmation de leur discours, en passant volontairement sur les points qui les dérangeaient, comme la défense de la vie. Paradoxalement, dans les milieux monastiques, l’encyclique a mis du temps à s’imposer alors que les documents du magistère y sont généralement accueillis très favorablement. Pour essayer de comprendre ce paradoxe, j’émets une hypothèse : alors que les militants écologistes ont vu dans l’encyclique une véritable révolution dans la doctrine sociale de l’Église, les moines n’y ont vu, au départ, qu’une expression nouvelle de ce qu’ils vivent quotidiennement depuis les origines.
La vie monastique est une vie de prière, essentiellement communautaire, qui s’appuie sur le chant des psaumes. Le psautier contient 150 psaumes ; les moines le chantent, normalement, en entier, chaque semaine. Plusieurs auteurs ont travaillé sur l’écologie dans les psaumes. Certains parlent de psaumes écologiques, d’autres de psaumes de la nature ou de psaumes de la création. 51 psaumes se retrouvent dans une, au moins, de ces trois catégories ; autrement dit, une part importante du psautier est écologique. Donc, un moine, sauf à chanter sans se soucier de ce qu’il chante, est forcément un écologiste, peut-être sans le savoir ou le reconnaître.
Après un certain temps de maturation, beaucoup de monastères ont adopté Laudato si’, quand ils ont constaté qu’il s’agissait d’une formulation brillante de ce qu’ils essaient de vivre et que cela les aidait à progresser.
La principale contribution de l’économie monastique à la question écologique est la « sobriété heureuse ». Il s’agit d’une expression développée par Pierre Rabhi, mais qui, d’une certaine façon est constitutive de la spiritualité monastique depuis ses origines. Pour Pierre Rabhi, les ressources de la planète sont limitées. Les ressources fossiles ne sont pas renouvelables et la capacité d’absorption de la pollution par la biosphère est limitée.
La notion de limite est constitutive de la foi chrétienne : déjà dans la genèse Dieu dit : « Tu ne mangeras pas du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (Gn 2, 17). Cette notion de limite s’oppose à l’idée que la techno-science donnera à l’Homme un pouvoir illimité sur son environnement. Dans Laudato si’ le pape François affirme que le développement technologique est bon, mais à condition seulement qu’il soit « accompagné d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeurs, en conscience ».
Pierre Rabhi affirme que la croissance économique est irréaliste et absurde : c’est un modèle porteur de mort. Il faut donc instaurer une politique de civilisation fondée sur la sobriété. Il faut satisfaire nos besoins vitaux avec les moyens les plus simples et les plus sains. Laudato si’, dit la même chose en parlant de la nécessité de conversion des cœurs. Dit en langage chrétien, la sobriété heureuse de Pierre Rabhi revient au respect de la création et au souci pour les générations à venir à qui nous nous devons de laisser un environnement vivable.
Mais la sobriété heureuse monastique diffère de la sobriété heureuse écologiste. Alors que les écologistes la fondent essentiellement sur la protection des ressources naturelles et de l’environnement, les moines la fondent aussi sur un aspect social : consommer du superflu revient à priver d’autres personnes du nécessaire. Dans une vision écologiste, il faut travailler moins pour moins détruire de ressources. C’est la décroissance. Dans une vision monastique, il s’agit moins de travailler pour produire plus que pour satisfaire ses propres besoins ou ceux de sa communauté, parce qu’il faut pouvoir partager avec ceux qui n’ont pas les moyens de produire tout ce dont ils ont besoin.
Conclusion
Dans cette présentation rapide de l’économie monastique comme économie alternative et durable, nous avons identifié quelques aspects qui peuvent inspirer le monde. La valeur du travail comme moyen de développement personnel, les méfaits potentiels de la compétition dans les relations économiques, la recherche de la consommation comme source de bonheur. Cela conduit à la valeur de l’idée de sobriété heureuse qui ne doit pas être considérée uniquement sous son aspect environnemental, mais aussi sous son aspect social. Dans le prolongement de cette proposition, il faudrait aborder la question des inégalités sociales. La vie monastique permet d’éviter le piège d’un déséquilibre insupportable. L’économie des besoins questionne fortement la mise en œuvre du principe d’égalité.
Le mot « pax » est la devise bénédictine. Saint Benoît le présente comme un bien qu’il nous faut avidement rechercher. C’est le mot qui résume le mieux l’harmonie, caractéristique de l’existence du moine. Dans le prologue de la Règle, saint Benoît demande de chercher la paix et de la poursuivre sans cesse ; cette recherche de la paix est associée à la recherche de Dieu, comme deux buts qui se fondent l’un dans l’autre. L’économie monastique, basée sur la désappropriation, et l’économie des besoins auxquelles se rajoutent la non-compétition et la sobriété heureuse, proposent les moyens d’obtenir cette paix. Et, c’est la paix qui rend l’organisation durable.
[1] Benoît-Joseph Pons est un ingénieur agronome français. Il a commencé sa carrière, dans l’industrie, comme chercheur en microbiologie alimentaire. Il a été ensuite chef d’entreprise dans la chimie pharmaceutique. Il est titulaire d’une licence de théologie et d’un doctorat en économie obtenus à la Faculté des sciences sociales et économiques de l’Institut Catholique de Paris. Il est actuellement chercheur à la chaire Jean Bastaire de l’Université Catholique de Lyon. Il a écrit un livre sur « L’économie monastique. Une économie alternative pour notre temps » (2018).
[2] John GALBRAITH, Les mensonges de l’économie – Vérité pour notre temps, Paris, Bernard Grasset, 2004, p. 34.
[3] Dom Bertrand ROLLIN, Vivre aujourd’hui la Règle de saint Benoît – Un commentaire de la Règle, Bégrolles en Mauge, Bellefontaine, coll. Vie monastique n° 16, 1983, p. 54.